un homme comme Cadoudal?
Bonaparte n'ignorait point tout ce qu'il y avait en lui de
seductions personnelles lorsqu'il voulait y mettre un peu de bonne
volonte; il prit la resolution de voir Cadoudal, et, sans en rien
dire a Roland, compta sur lui pour cette entrevue lorsque l'heure
en serait arrivee.
En attendant, il voulait savoir si Brune, dans les talents
militaires duquel il avait une grande confiance, serait plus
heureux que ses predecesseurs.
Il congedia Roland apres lui avoir annonce l'arrivee de sa mere,
et son installation dans la petite maison de la rue de la
Victoire.
Roland sauta dans une voiture et se fit conduire a l'hotel.
Il y trouva madame de Montrevel, heureuse et fiere autant que
puisse l'etre une femme et une mere.
Edouard etait installe de la veille au Prytanee francais.
Madame de Montrevel s'appretait a quitter Paris pour retourner
aupres d'Amelie, dont la sante continuait de lui donner des
inquietudes.
Quant a sir John, il etait non seulement hors de danger, mais a
peu pres gueri; il etait a Paris, etait venu pour faire une visite
a madame de Montrevel, l'avait trouvee sortie pour conduire
Edouard au Prytanee, et avait laisse sa carte.
Sur cette carte etait son adresse. Sir John logeait rue de
Richelieu, hotel Mirabeau.
Il etait onze heures du matin: c'etait l'heure du dejeuner de sir
John; Roland avait toute chance de le rencontrer a cette heure. Il
remonta en voiture et ordonna au cocher de toucher a l'hotel
Mirabeau.
Il trouva sir John, en effet, devant une table servie a
l'anglaise, chose rare a cette epoque, et buvant de grandes tasses
de the, et mangeant des cotelettes saignantes.
En apercevant Roland, sir John jeta un cri de joie, se leva et
courut au-devant de lui.
Roland avait pris, pour cette nature exceptionnelle ou les
qualites du coeur semblaient prendre a tache de se cacher sous les
excentricites nationales, un sentiment de profonde affection.
Sir John etait pale et amaigri; mais, du reste, il se portait a
merveille.
Sa blessure etait completement cicatrisee, et, a part une
oppression qui allait chaque jour diminuant et qui bientot devait
disparaitre tout a fait, il etait tout pret a recouvrer sa
premiere sante.
Lui, de son cote, fit a Roland des tendresses que l'on eut ete
bien loin d'attendre de cette nature concentree, et pretendit que
la joie qu'il eprouvait de le revoir allait lui rendre ce
complement de sante qui lui manquait.
Et d'abord,
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