sance.
Il avait la meme pretention pour les dents; les dents, en effet,
etaient belles, mais elles n'avaient point la splendeur des mains.
Lorsqu'il se promenait, soit seul, soit avec quelqu'un, que la
promenade eut lieu dans ses appartements ou dans un jardin, il
marchait presque toujours un peu courbe, comme si sa tete eut ete
lourde a porter; et, les mains croisees derriere le dos, il
faisait frequemment un mouvement involontaire de l'epaule droite,
comme si un frissonnement nerveux passait a travers cette epaule,
et, en meme temps, sa bouche faisait, de gauche a droite, un
mouvement qui semblait se rattacher au premier. Ces mouvements, au
reste, n'avaient, quoi qu'on en ait dit, rien de convulsif:
c'etait un simple tic d'habitude, indiquant chez lui une grande
preoccupation, une sorte de congestion d'esprit; aussi ce tic se
produisait-il plus frequemment aux epoques ou le general, le
premier consul ou l'empereur murissait de vastes projets. C'etait
apres de telles promenades, accompagnees de ce double mouvement de
l'epaule et de la bouche, qu'il dictait ses notes les plus
importantes; en campagne, a l'armee, a cheval, il etait
infatigable, et presque aussi infatigable dans la vie ordinaire,
ou parfois il marchait pendant cinq ou six heures de suite sans
s'en apercevoir.
Quand il se promenait ainsi avec quelqu'un de sa familiarite, il
passait habituellement son bras sous celui de son interlocuteur et
s'appuyait dessus.
Tout mince, tout maigre qu'il etait a l'epoque ou nous le mettons
sous les yeux de nos lecteurs, il se preoccupait de sa future
obesite, c'etait d'ordinaire a Bourrienne qu'il faisait cette
singuliere confidence.
-- Vous voyez, Bourrienne, combien je suis sobre et mince; eh
bien, on ne m'oterait pas de l'idee qu'a quarante ans je serai
gros mangeur et que je prendrai beaucoup d'embonpoint. Je prevois
que ma constitution changera, et, cependant, je fais assez
d'exercice; mais que voulez-vous! c'est un pressentiment, cela ne
peut manquer d'arriver.
On sait a quel degre d'obesite etait parvenu le prisonnier de
Sainte-Helene.
Il avait pour les bains une veritable passion qui, sans doute, ne
contribua point mediocrement a developper son obesite; cette
passion lui faisait du bain un besoin irresistible. Il en prenait
un tous les deux jours, y restait deux heures, se faisant, pendant
ce temps, lire les journaux ou les pamphlets; pendant cette
lecture, il ouvrait a toute minute le robinet d'ea
|