vivez dans votre amour.
-- Vous me promettez toujours votre appui?
-- C'est convenu; j'ai le plus grand desir de vous appeler mon
frere.
-- Etes-vous las de m'appeler votre ami?
-- Ma foi, oui: c'est trop peu.
-- Merci.
Et tous deux se serrerent la main et se separerent.
Un quart d'heure apres, Roland etait au Prytanee francais, situe
ou est situe aujourd'hui le lycee Louis-le-Grand, c'est-a-dire
vers le haut de la rue Saint-Jacques, derriere la Sorbonne.
Au premier mot que lui dit le directeur de l'etablissement, Roland
vit que son jeune frere avait ete recommande tout
particulierement.
On fit venir l'enfant.
Edouard se jeta dans les bras de son grand frere avec cet elan
d'adoration qu'il avait pour lui.
Roland, apres les premiers embrassements, mit la conversation sur
l'arrestation de la diligence.
Si madame de Montrevel n'avait rien dit, si lord Tanlay avait ete
sobre de details, il n'en fut pas de meme d'Edouard.
Cette arrestation de diligence, c'etait son Iliade a lui.
Il raconta la chose a Roland dans ses moindres details, la
connivence de Jerome avec les bandits, les pistolets charges, mais
a poudre seulement, l'evanouissement de sa mere, les secours
prodigues pendant cet evanouissement par ceux-la memes qui
l'avaient cause, son nom de bapteme connu des agresseurs, enfin le
masque un instant tombe du visage de celui qui portait secours a
madame de Montrevel, ce qui faisait que madame de Montrevel avait
du voir le visage de celui qui la secourait.
Roland s'arreta surtout a ce dernier detail.
Puis vint, racontee par l'enfant, la relation de l'audience du
premier consul, comment celui-ci l'avait embrasse, caresse, choye,
et enfin recommande au directeur du Prytanee francais.
Roland apprit de l'enfant tout ce qu'il en voulait savoir, et,
comme il n'y a que cinq minutes de chemin de la rue Saint-Jacques
au Luxembourg, il etait au Luxembourg cinq minutes apres.
XXXVI -- SCULPTURE ET PEINTURE
Lorsque Roland rentra au Luxembourg, la pendule du palais marquait
une heure et un quart de l'apres-midi.
Le premier consul travaillait avec Bourrienne.
Si nous ne faisions qu'un simple roman, nous nous haterions vers
le denouement, et, pour y arriver plus vite, nous negligerions
certains details dont, assure-t-on, les grandes figures
historiques peuvent se passer.
Ce n'est point notre avis.
Du jour ou nous avons mis la main a la plume -- et il y aura de
cela bientot trent
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