ni me
defendre, ni te punir.
-- Je ne suis pas un miserable et je ne vous insulte pas, monsieur
de Montrevel; seulement, je dis qu'en ne donnant pas votre parole,
vous privez le general du secours de neuf hommes qui peuvent lui
etre utiles et qui vont etre forces de rester ici pour vous
garder; ce n'est pas comme cela qu'a agi la grosse tete ronde vis-
a-vis de vous; il avait deux cents hommes de plus que vous, et il
les a renvoyes; maintenant, nous ne sommes plus que quatre-vingt-
onze contre cent.
Une flamme passa sur le visage de Roland; puis presque aussitot il
devint pale comme la mort.
-- Tu as raison, Branche-d'or, lui repondit-il, secouru ou non
secouru, je me rends; tu peux aller te battre avec tes compagnons.
Les Chouans jeterent un cri de joie, lacherent Roland, et se
precipiterent vers les republicains en agitant leurs chapeaux et
leurs fusils et en ecriant:
-- Vive le roi!
Roland, libre de leur etreinte, mais desarme materiellement par sa
chute, moralement par sa parole, alla s'asseoir sur la petite
eminence encore couverte du manteau qui avait servi de nappe pour
le dejeuner.
De la, il dominait tout le combat et n'en perdait pas un detail.
Cadoudal etait debout sur son cheval au milieu du feu et de la
fumee, pareil au demon de la guerre, invulnerable et acharne comme
lui.
Ca et la, on voyait les cadavres d'une douzaine de Chouans
eparpilles sur le sol.
Mais il etait evident que les republicains, toujours serres en
masse, avaient deja perdu plus du double.
Des blesses se trainaient dans l'espace vide, se joignaient, se
redressaient comme des serpents brises et luttaient, les
republicains avec leurs baionnettes, et les Chouans avec leurs
couteaux.
Ceux des Chouans qui, blesses, etaient trop loin pour se battre
corps a corps avec des blesses comme eux, rechargeaient leurs
fusils, se relevaient sur un genou, faisaient feu et retombaient.
Des deux cotes, la lutte etait impitoyable, incessante, acharnee;
on sentait que la guerre civile, c'est-a-dire la guerre sans
merci, sans pitie, secouait sa torche au-dessus du champ de
bataille.
Cadoudal tournait, sur son cheval, tout autour de la redoute
vivante, faisait feu a vingt pas, tantot de ses pistolets, tantot
d'un fusil a deux coups qu'il jetait apres l'avoir decharge et
qu'il reprenait tout charge en repassant.
A chacun de ses coups, un homme tombait.
A la troisieme fois qu'il renouvelait cette manoeuvre, un feu de
pelot
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