vu venir la fortune contraire, il avait
laisse tomber sa tete dans ses mains, et etait demeure le front
courbe vers la terre.
Cadoudal arriva jusqu'a lui sans qu'il parut entendre le bruit de
ses pas; il lui toucha l'epaule: le jeune homme releva lentement
la tete sans essayer de cacher deux larmes qui roulaient sur ses
joues.
-- General! dit Roland, disposez de moi, je suis votre prisonnier.
-- On ne fait pas prisonnier un ambassadeur du premier consul,
repondit Cadoudal en riant, mais on le prie de rendre un service.
-- Ordonnez, general!
-- Je manque d'ambulance pour les blesses, je manque de prison
pour les prisonniers; chargez-vous de ramener a Vannes les soldats
republicains prisonniers ou blesses.
-- Comment, general? s'ecria Roland.
-- C'est a vous que je les donne, ou plutot a vous que je les
confie; je regrette que votre cheval soit mort, je regrette que le
mien ait ete tue; mais il vous reste celui de Branche-d'or,
acceptez-le.
Le jeune homme fit un mouvement.
-- Jusqu'a ce que vous ayez pu vous en procurer un autre, bien
entendu, fit Cadoudal en s'inclinant.
Roland comprit qu'il fallait etre, par la simplicite du moins, a
la hauteur de celui auquel il avait affaire.
-- Vous reverrai-je, general? demanda-t-il en se levant.
-- J'en doute, monsieur; mes operations m'appellent sur la cote de
Port-Louis, votre devoir vous appelle au Luxembourg.
-- Que dirai-je au premier consul, general?
-- Ce que vous avec vu, monsieur; il jugera entre la diplomatie de
l'abbe Bernier et celle de Georges Cadoudal.
-- D'apres ce que j'ai vu, monsieur, je doute que vous ayez jamais
besoin de moi, dit Roland, mais, en tout cas, souvenez-vous que
vous avez un ami pres du premier consul.
Et il tendit la main a Cadoudal.
Le chef royaliste la lui prit avec la meme franchise et le meme
abandon qu'il l'avait fait avant le combat.
-- Adieu, monsieur de Montrevel, lui dit-il, je n'ai point a vous
recommander, n'est-ce pas, de justifier le general Hatry? Une
semblable defaite est aussi glorieuse qu'une victoire.
Pendant ce temps, on avait amene au colonel republicain le cheval
de Branche-d'or.
Il sauta en selle.
-- A propos, lui dit Cadoudal, informez-vous un peu, en passant a
la Roche-Bernard, de ce qu'est devenu le citoyen Thomas Milliere.
-- Il est mort, repondit une voix.
Coeur-de-Roi et ses quatre hommes, couverts de sueur et de boue,
venaient d'arriver, mais trop tard pour prendre
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