ma pensee est
que vous etes un brave general, et je serai honore qu'au moment de
combattre l'un contre l'autre, vous vouliez bien me donner la
main.
Les deux jeunes gens se tendirent et se serrerent la main plutot
comme deux amis qui se quittent pour une longue absence, que comme
deux ennemis qui vont se retrouver sur un champ de bataille.
Il y avait une grandeur simple et cependant pleine de majeste dans
ce qui venait de se passer.
Chacun d'eux leva son chapeau.
-- Bonne chance! dit Roland a Cadoudal; mais permettez-moi de
douter que mon souhait se realise. Je dois vous avouer, il est
vrai, que je le fais des levres et non du coeur.
-- Dieu vous garde, monsieur! dit Cadoudal a Roland, et j'espere
que mon souhait, a moi, se realisera, car il est l'expression
complete de ma pensee.
-- Quel sera le signal annoncant que vous etes pret? demanda
Roland.
-- Un coup de fusil tire en l'air et auquel vous repondrez par un
coup de fusil de votre cote.
-- C'est bien, general, repondit Roland.
Et, mettant son cheval au galop, il franchit, pour la troisieme
fois, l'espace qui se trouvait entre le general royaliste et le
general republicain.
Alors, etendant la main vers Roland:
-- Mes amis, dit Cadoudal, vous voyez ce jeune homme?
Tous les regards se dirigerent vers Roland, toutes les bouches
murmurerent le mot _oui_.
-- Eh bien, il nous est recommande par nos freres du midi; que sa
vie vous soit sacree; on peut le prendre, mais vivant et sans
qu'il tombe un cheveu de sa tete.
-- C'est bien, general, repondirent les Chouans.
-- Et, maintenant, mes amis, souvenez-vous que vous etes les fils
de ces trente Bretons qui combattirent trente Anglais entre
Ploermel et Josselin, a dix lieues d'ici, et qui furent
vainqueurs.
Puis, avec un soupir et a demi-voix:
-- Par malheur, ajouta-t-il, nous n'avons point, cette fois,
affaire a des Anglais.
Le brouillard s'etait dissipe tout a fait, et, comme il arrive
presque toujours en ce cas, quelques rayons d'un soleil d'hiver
marbraient d'une teinte jaunatre la plaine de Plescop.
On pouvait donc distinguer tous les mouvements qui se faisaient
dans les deux troupes.
En meme temps que Roland retournait vers les republicains,
Branche-d'or partait au galop, se dirigeant vers ses deux cents
hommes qui leur coupaient la route.
A peine Branche-d'or eut-il parle aux quatre lieutenants de
Cadoudal, que l'on vit cent hommes se separer et faire demi-tour a
dr
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