encerais demain;
tu peux changer de peau, jamais de coeur. Tu n'as plus que la mort
a attendre des hommes; quant a Dieu, implore sa misericorde.
Le regicide courba la tete, le renegat flechit le genou.
Mais, tout a coup, se redressant:
-- J'ai vote la mort du roi, dit-il, c'est vrai, mais avec la
reserve...
-- Quelle reserve?
-- La reserve du temps ou l'execution devait avoir lieu.
-- Proche ou eloignee, c'etait toujours la mort que tu votais, et
le roi etait innocent.
-- C'est vrai, c'est vrai, dit le pretre, mais j'avais peur.
-- Alors; tu es non seulement un regicide, non seulement un
apostat; mais encore, un lache! Nous ne sommes pas des pretres,
nous; mais nous serons plus justes que toi: tu as vote la mort
d'un innocent; nous votons la mort d'un coupable. Tu as dix
minutes pour te preparer a paraitre devant Dieu.
L'eveque jeta un cri d'epouvante et tomba sur ses deux genoux; les
cloches de l'eglise sonnerent comme si elles s'ebranlaient toutes
seules, et deux de ces hommes, habitues aux chants d'eglise,
commencerent a repeter les prieres des agonisants.
L'eveque fut quelque temps sans trouver les paroles par lesquelles
il devait repondre.
Il tournait sur ses juges des regards effares qui allaient
suppliants des uns aux autres; mais sur aucun visage il n'eut la
consolation de rencontrer la douce expression de la pitie.
Les torches qui tremblaient au vent donnaient, au contraire, a
tous ces visages une expression sauvage et terrible.
Alors, il se decida a meler sa voix aux voix qui priaient pour
lui.
Les juges laisserent s'epuiser jusqu'au dernier mot de la priere
funebre.
Pendant ce temps, des hommes preparaient un bucher.
-- Oh! s'ecria le pretre, qui voyait ces apprets avec une terreur
croissante, auriez-vous la cruaute de me reserver une pareille
mort?
-- Non, repondit l'inflexible accusateur, le feu est la mort des
martyrs, et tu n'es pas digne d'une pareille mort. Allons,
apostat, ton heure est venue.
-- Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'ecria le pretre en levant les bras au
ciel.
-- Debout! dit le Chouan.
L'eveque essaya d'obeir, mais les forces lui manquerent et il
retomba sur ses genoux.
-- Allez-vous donc laisser s'accomplir cet assassinat sous vos
yeux? demanda Roland a Cadoudal.
-- J'ai dit que je m'en lavais les mains, repondit celui-ci.
-- C'est le mot de Pilate et les mains de Pilate sont restees
rouges du sang de Jesus-Christ.
-- Parce que Jesus-Chr
|