par la m'atteignait
personnellement, je ne pensai plus a la reserve que je voulais garder et
levai la main pour repondre.
Mais, en meme temps, je sentis un pied se poser doucement sur le mien.
C'etait Clotilde qui me demandait de garder le silence.
Je la regardai; elle sourit; je restai interdit, eperdu, enivre, le bras
leve, les levres ouvertes et ne parla point.
XIII
Avec son habitude de regarder sans cesse autour de lui pour savoir qui
l'appuyait ou le desapprouvait, M. de Solignac avait parfaitement vu mon
mouvement.
Il s'arreta et, me regardant en face pour une seconde:
--M. de Saint-Neree veut parler, il me semble, dit-il.
Ainsi mis en cause directement, je ne pouvais plus me taire. Mais le
pied de Clotilde me pressa plus fortement. J'hesitai un moment, quelques
secondes peut-etre.
--Eh bien? demanda le general.
Clotilde a son tour me regarda.
--Je n'ai rien a dire, general.
--Capitaine, je vous demande pardon, dit M. de Solignac, j'ai mal vu:
j'ai de si mauvais yeux.
--Vous vous adressiez a M. Garagnon, dit Clotilde.
--Parfaitement, et je disais que l'armee, ni plus ni moins qu'un
individu, obeissait toujours a ses interets. Cela est bien naturel,
n'est-ce pas, monsieur Garagnon?
--Pour soi d'abord, pour son voisin ensuite.
--Cela n'est pas chretien, dit l'abbe Peyreuc en souriant finement.
--Non, mais cela est humain, et le genre humain existait avant le
christianisme, continua M. de Solignac; c'est pour cela sans doute qu'il
obeit si souvent a ses vieilles habitudes. Or, dans les circonstances
presentes, qui peut le mieux servir les interets de l'armee? Si nous
trouvons une reponse a cette question, nous aurons bien des chances
de savoir, ou, si l'on aime mieux,--le regard se glissa vers moi,--de
prevoir dans quelle balance l'armee doit deposer son epee. Ce n'est pas
le parti legitimiste, n'est-ce pas? Nous n'avons pas oublie que nous
avons ete les brigands de la Loire.
--Je m'en souviens, interrompit le general en frappant sur la table.
--Ce n'est pas davantage le parti orleaniste, car, sous le gouvernement
de la bourgeoisie, l'armee est livree aux remplacants militaires. Ce
n'est pas davantage le parti republicain, qui demande la suppression des
armees permanentes.
--Quelle stupidite! s'ecria la general.
--Si ces trois partis ne peuvent rien pour l'armee, il en reste un qui
peut tout pour elle: le parti bonapartiste. C'est un Napoleon seul qui
peut donner a
|