s ensemble, les uns contre les autres, ce qui
sera le triomphe de l'anarchie. Voila, mon cher, a quoi l'on arrive en
ecoutant ses sentiments personnels, ses opinions ou ses interets, au
lieu d'ecouter sa conscience. Et c'est la ce qui m'indigne contre
Louis-Napoleon qui, pour faire triompher son ambition, ne craint pas de
corrompre l'armee; est-ce que les autres partis, Henri V, les d'Orleans,
les republicains agissent comme lui? il est le seul a vouloir faire de
l'armee un instrument de revolution. S'il reussit, la France est perdue;
il n'y a plus d'armee; il n'y a plus d'honneur militaire.
--Vous n'aimez pas Louis-Napoleon.
--C'est vrai, je l'avoue hautement parce que la repulsion qu'il
m'inspire n'est point causee par des preferences que j'aurais pour le
representant d'un autre parti. Je n'ai point de preferences politiques,
ou plutot je n'ai pas d'opinions exclusives. Par mes traditions de
famille, je devrais etre legitimiste; je ne le suis pas; je ne suis pas
davantage orleaniste ou republicain.
--Alors qu'etes-vous donc?
--Je suis ce que sont bien d'autres Francais; je suis du parti du
gouvernement adopte par le pays et qui s'exerce honnetement en
respectant les droits et la liberte de chacun. Je n'aurais peut-etre
pas choisi le gouvernement que nous avons en ce moment, mais c'est un
gouvernement legal et jamais je ne mettrai mon sabre, si leger
qu'il puisse etre, au service de ceux qui voudraient renverser ce
gouvernement.
Vimard s'arreta, et me prenant la main qu'il me serra fortement:
--Ma foi, mon cher, vous me faites plaisir; je suis heureux de vous
entendre parler ainsi; dans ce temps de trouble ou nous vivons
d'incertitude et d'indecision, cela soutient de voir quelqu'un de ferme,
qui ne cherche pas son chemin.
--Et cependant, l'on m'a reproche souvent mon indifference en matieres
politiques. Peut-etre, en effet, vaut-il mieux etre un homme de parti,
comme il vaut mieux peut-etre aussi etre un homme religieux. Les
convictions bien arretees sont, je crois, une grande force. Mais enfin
l'indifference politique, comme l'indifference religieuse, n'empeche pas
d'etre un honnete homme. Et pour en revenir au sujet de notre entretien,
je vous donne ma parole que, dans les circonstances presentes, quoi
qu'il arrive, je saurai rester un honnete soldat.
Nous marchames pendant quelques instants, reflechissant l'un et l'autre;
Vimard a je ne sais trop quoi, moi a ce que cet entretien avait de
singulier
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