eurs_. Qu'est-ce que cela signifie? D'ou viennent ces
bateaux? Que veulent-ils? Les fortes tetes de l'endroit savaient
peut-etre qu'il etait question quelque part d'une expedition du general
Garibaldi; mais une prudence naturelle aux profonds politiques les
empechait de se communiquer trop haut leurs conjectures a cet egard; ils
etaient en tout cas bien loin de supposer que la descente projetee vint
se faire dans leur petite ville, a la barbe des batiments de guerre
napolitains, et au milieu de gens qui n'avaient rien fait pour etre
prives de leur calme et de leur sieste dans le milieu du jour; car, il
ne faut pas se le dissimuler, si le gouvernement napolitain etait
deteste a Marsala, comme dans toute la Sicile, il n'en est pas moins
vrai qu'a part quelques exaltes, personne ne se serait avise d'y faire
une revolution, et c'est seulement dans les grands centres, comme
Palerme, Messine, Catane, etc., que pouvaient se rencontrer quelques
hommes d'action.
Cependant une certaine emotion vint bientot se manifester parmi les
curieux. Un gros _padre_ capucin, ancien marin peut-etre, venait de
faire remarquer que les croiseurs napolitains paraissaient pousser leurs
feux et avaient change de direction. Les deux navires inconnus s'etaient
sans doute apercu aussi de cette manoeuvre, car ils s'empanachaient
d'une maniere splendide, et l'un d'eux, meilleur marcheur sans doute,
prenait les devants, et n'etait plus qu'a deux milles environ de
l'entree du port. Quoique la corvette anglaise n'eut obtenu aucune
reponse a ses signaux, il est probable qu'elle avait reconnu de quoi il
s'agissait, car sa hune de misaine, ses passerelles et son gaillard
d'avant etaient couverts de matelots et d'officiers observant avec
interet la marche des deux batiments. Une embarcation avait meme ete
armee le long du bord, et se tenait prete a pousser. En ce moment, un
officier napolitain et quelques soldats arrivaient aussi a l'entree du
mole, car Marsala possedait un commandant superieur et une garnison
composee d'une centaine d'infirmes ou de soldats; le nom ne fait rien a
l'affaire. Des groupes nombreux commencaient a paraitre a la porte de
la ville du cote de la plage. Les fenetres se garnissaient, une sourde
rumeur se repandait partout, et le premier des deux navires signales
doublait a peine la lanterne du mole, qu'une panique folle s'empara de
la foule de femmes et d'enfants qui, insensiblement, avaient rejoint les
curieux. Ce fut une fuite gener
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