able ne vint les ensevelir. Il fallut l'arrivee du general
Garibaldi pour reprimer cet acte de feroce barbarie, et faire donner la
sepulture a ces malheureux. "Certes, disait un _picchiotti_, le general
Garibaldi a raison, mais il ne sait pas tout ce que nous avons souffert
de cette race maudite; nous ne rendons que barbarie pour barbarie." Il
est triste de penser qu'il disait peut-etre la verite.
C'est a Alcamo que le mouvement revolutionnaire commenca veritablement a
se dessiner. De nombreux messagers arrivaient a tout moment au general
Garibaldi, lui promettant des secours, et lui apportant l'assurance d'un
concours sympathique et vigoureux. Partout les anciennes autorites
etaient chassees et remplacees par les hommes du mouvement. Les gens de
Maniscalco s'eclipsaient, et, avec eux, disparaissait une partie de
cette crainte et de cette torpeur qui pesaient sur toutes les classes
siciliennes. Le clerge, vigoureusement lance dans la voie des reformes,
employait son ascendant pour entrainer les populations et les disposer a
l'action. Quelle difference, deja, entre ce que l'on appelait la poignee
d'aventuriers debarques a Marsala et les volontaires victorieux de
Calatafimi! Ainsi marchent toutes choses: le succes avait transforme les
_flibustiers_ de Marsala en armee nationale.
Ce fut aussi a Alcamo qu'un semblant d'intendance commenca a
s'organiser. Le service des vivres y gagna. Quant a celui des finances,
il resta le meme jusqu'a Palerme, et meme longtemps apres la prise de
cette ville. Qui ne connait cette heureuse lithographie de Raffet
qu'accompagne cet adage: "Avec du fer et du pain on peut aller en
Chine?" Garibaldi disait: "Avec du fer et du pain on conquiert sa
liberte!" Et, le premier, il donnait, comme toujours et partout,
l'exemple d'un desinteressement sans bornes et d'une sobriete a toute
epreuve. D'ailleurs, l'argent eut servi a peu de chose: il n'y avait
rien a acheter.
Un evenement assez curieux s'etait passe a Calatafimi, au moment de
l'entree de Garibaldi. Un jeune cordelier, a la figure intelligente et
enthousiaste, s'etait elance vers le general, et, en lui donnant
l'accolade, lui avait tenu a peu pres ce langage: "Frere, tu es le
sauveur de l'Italie, tu es le Messie de la liberte; mais cette liberte,
tu nous l'apportes fletrie d'une excommunication. Tu es chretien, nous
sommes chretiens, tu nous commandes: pourquoi rester sous le coup de
cette bulle? Attends un instant. J'entre a l'eglise, je
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