ement sur ses ancres
presque a l'entree du port et en face des etablissements de ses
nationaux. Quelques rares habitants, se rendant a leurs affaires,
commencaient a circuler sur les quais, et observaient curieusement les
manoeuvres de deux ou trois vapeurs dont on apercevait au loin les
fumees dans la direction de l'ile de Favignano. C'etait la croisiere
napolitaine qui surveillait la cote sud de Sicile, et qui, la veille,
avait passe une partie de la journee stoppee devant Marsala.
Quelques bateaux de peche rentraient au port, et s'empressaient de
debarquer le butin de la nuit. Certes, personne, dans la ville, ne se
doutait des evenements que cette journee apportait.
Il etait environ six heures lorsque deux nouveaux vapeurs parurent a
perte de vue dans le sud. Ils avaient l'air de faire route sur Malte.
Mais, apres avoir laisse sur babord les croiseurs napolitains, ils
mirent ostensiblement le cap sur Marsala. Il y a dans les ports de
Sicile, comme dans toutes les villes maritimes de France, une population
de flaneurs, de rentiers, de marins ou d'officiers en retraite, qui n'a
d'autre occupation que de guetter l'arrivee de tout navire ou bateau qui
se dirige vers le port. Il y a aussi partout un point du littoral qui
leur sert de rendez-vous, semblable a la celebre _Pointe-des-Blagueurs_
de Brest. A Marsala, ce centre de conversations est situe a l'entree du
mole, et pres d'une petite maison blanche qui sert de corps de garde aux
douaniers. Cet emplacement n'est pas a l'abri du vent, les jours de
grande brise et de tempete. Les vagues s'y egarent meme quelquefois au
milieu des flaneurs. Mais on se refugie de son mieux contre la face de
la maisonnette la moins exposee aux rafales et aux coups de mer, et l'on
est toujours certain de trouver la a qui parler. Aussitot qu'il fut
avere que les deux vapeurs manoeuvraient bien pour donner dans le port,
on vit donc la foule se diriger vers cet endroit, et les conversations
prirent leur train.
Les deux navires grossissaient a vue d'oeil. Leurs ponts paraissaient
couverts d'un nombreux equipage. Ils etaient sans pavillon, et
semblaient se soucier aussi peu des vapeurs napolitains que de la
corvette anglaise mouillee dans la rade. On put meme bientot distinguer
des uniformes rouges montes sur les tambours des batiments. En ce
moment, la corvette anglaise commenca a faire des signaux qui
demeurerent sans reponse. Les commentaires allaient de plus belle a la
_Pointe-des-Blagu
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