e que vous
menez?
--Ma vie est celle d'un pauvre diable qui pioche tant qu'il peut.
--En verite!... Alors comment ne cesse-t-on de voir chez vous des
femmes dont les allures et les toilettes font scandale dans le
quartier?
--On vous a trompe, mon pere.
--J'ai vu.
--C'est impossible! Laissez-moi vous expliquer...
--Rien, ce serait perdre vos peines. Vous etes et resterez toujours le
meme, et ce serait de la demence, a moi, que de faire admettre dans
une administration ou je jouis de l'estime de tous, un garcon qui,
d'un jour a l'autre, fatalement, sera precipite dans la boue par
quelque creature perdue.
De telles discussions n'etaient pas faites pour rendre plus cordiales
les relations du pere et du fils. A diverses reprises, M. Favoral
avait donne a entendre que du moment ou Maxence logeait dehors, il
pourrait bien aussi y diner. Et il lui eut signifie de le faire,
evidemment, s'il n'eut ete retenu par un reste de respect humain et la
crainte du qu'en dira-t-on.
D'un autre cote, l'amer regret d'avoir peut-etre gate sa vie,
l'incertitude de l'avenir, la gene presente, toutes les convoitises
inassouvies de la jeunesse, entretenaient Maxence dans un etat de
perpetuelle irritation.
Pour le calmer, l'excellente Mme Favoral s'epuisait en raisonnements.
--Ton pere est dur pour nous, disait-elle, mais l'est-il moins pour
lui-meme? Il ne pardonne rien, mais il n'a jamais eu besoin d'etre
pardonne. Il ne comprend pas la jeunesse, mais jamais il n'a ete jeune
et il etait a vingt ans aussi grave et aussi froid que tu le vois.
Comment s'expliquerait-il le plaisir, lui a qui jamais l'idee n'est
venue de prendre une heure de distraction?...
--Ai-je donc commis des crimes, pour etre ainsi traite par mon pere?
s'ecriait Maxence.
Et rouge de colere et serrant les poings:
--Notre existence, ici, n'est-elle pas inouie? Toi, pauvre mere, tu
n'as jamais eu la libre disposition de cent sous. Gilberte emploie ses
journees a retourner ses robes apres les avoir fait teindre. J'en suis
reduit a une place d'expeditionnaire. Et mon pere a cinquante mille
livres de rentes!...
C'est a ce chiffre, en effet, que les plus moderes portaient la
fortune de M. Favoral.
M. Chapelain, bien renseigne, supposait-on, ne se genait pas pour
insinuer que ce cher Vincent, outre qu'il etait le caissier du _Credit
mutuel_, devait en etre un des principaux interesses.
Or, a en juger par le dividende qu'il venait de distribuer, le
|