enait ses efforts pour contraindre Mlle Gilberte a
epouser M. Costeclar.
--Il pensait que Costeclar le tirerait d'affaire, disait Maxence a sa
soeur.
La pauvre fille frissonnait a cette pensee, et elle ne pouvait
s'empecher de benir son pere de ne lui avoir point confie sa
situation. Car enfin, eut-elle eu le courage terrible de ne se pas
sacrifier, si son pere lui eut dit:
--J'ai vole, je suis perdu, Costeclar seul peut me sauver, et il me
sauvera si tu deviens sa femme.
L'humeur facile de M. Favoral, pendant le siege, avait sa raison
d'etre: alors il ne craignait pas. On ne sentait que trop comment, aux
jours les plus affreux de la Commune, lorsque Paris etait en flammes,
il avait pu s'ecrier, en se frottant les mains:
--Ah! pour le coup, c'est bien la liquidation definitive!
Sans doute, du fond du coeur, il souhaitait que Paris fut aneanti, et
avec Paris la preuve de son crime. Et peut-etre n'etait-il pas le seul
a formuler ce souhait impie.
--Voila donc, s'ecriait Maxence, voila pourquoi mon pere me traitait
si rudement, pourquoi il s'obstinait a me fermer les bureaux du
_Credit mutuel_!
Un coup de sonnette brutal a la porte exterieure lui coupa la parole.
Il regarda la pendule. Dix heures allaient sonner.
--Qui peut venir si tard? fit Mme Favoral.
On entendait comme une discussion sur le palier, une voix enrouee par
la colere et la voix de la servante.
--Va donc voir qui est la! dit Mlle Gilberte a son frere.
Inutile; la servante parut.
--C'est M. Bertau, commenca-t-elle, le boulanger. Il l'avait suivie.
Il l'ecarta d'un bras robuste et parut a son tour.
C'etait un homme d'une quarantaine d'annees, long, maigre, deja
chauve, et portant la barbe taillee en brosse.
--M. Favoral? demanda-t-il.
--Mon pere n'est pas a la maison, Monsieur, repondit Maxence.
--C'est donc vrai, ce qu'on vient de me dire?
--Quoi?
--Que la justice est venue pour le prendre, et qu'il s'est sauve par
une fenetre.
--C'est vrai! repondit Maxence doucement.
Le boulanger parut atterre.
--Et mon argent? fit-il.
--Quel argent?
--Mes dix mille francs, donc! Dix mille francs que j'ai apportes a M.
Favoral, en or, vous m'entendez, en dix rouleaux que j'ai deposes la,
sur cette table, et dont il m'a donne un recu. Le voila, son recu...
Il tendait un papier, Maxence ne le prit pas.
--Je ne doute pas de votre parole, monsieur, repondit-il; mais les
affaires de mon pere ne sont pas les notres...
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