ntieuse. Ce doit etre une etrangere, une Espagnole...
Qu'en pensez-vous, vicomte?
Le vicomte etait un grand garcon d'une surprenante maigreur. Ses
habits, sur son corps, flottaient comme des hardes qu'on a mises
secher le long d'une perche.
--Une Espagnole ne serait pas si blanche, repondit-il. Je n'ai vu ce
teint eblouissant qu'aux brunes des pays du Nord, aux Suedoises, par
exemple.
--Peut-etre est-ce une Suedoise? Le vieux beau hocha la tete.
--Une etrangere, declara-t-il sentencieusement, ne serait pas seule
dans sa voiture. Elle aurait, avec elle, un pere ou un mari, une
parente, une amie, quelqu'un enfin...
--Baste! interrompit M. Costeclar, c'est simplement quelque femme de
la societe...
--Avec cette toilette? fit M. Saint-Pavin.
--Pardon!... je la trouve delicieuse...
--Naturellement, puisqu'elle tire l'oeil a cent pas. Mais c'est pour
cela, precisement, que jamais une femme comme il faut ne l'etalerait
dans une voiture de louage...
Maxence tressaillit.
--Quoi! c'est une voiture de louage? s'ecria-t-il.
D'un air de dedaigneuse surprise, les autres le regarderent, le
toisant du bout des bottes jusqu'a l'extremite du chapeau.
--Comment! vous n'avez pas reconnu un huit ressorts de chez Brion? lui
dit M. Costeclar. Ou diable aviez-vous la tete!
Mais le maigre vicomte etait l'oracle de cette interessante societe.
--Ne vous creusez pas la cervelle, mes tres-chers, reprit-il, c'est
une femme qu'on lance, tout simplement. Et si elle est adroite, elle
a d'assez jolis yeux pour faire sa fortune et celle des honnetes gens
qui speculent sur sa beaute, et qui lui avancent sa voiture et ses
toilettes...
--J'en aurai, sacrebleu! le coeur net! interrompu M. Costeclar. J'ai
un domestique intelligent...
Deja il s'elancait vers l'endroit ou stationnait son coupe; le vieux
beau le retint.
--Ne vous derangez pas, cher ami, fit-il d'un ton goguenard. J'ai
aussi un domestique qui n'est pas une bete, et voici un quart d'heure
qu'il a mes ordres.
Tous les autres eclaterent de rire.
--Distance, Costeclar! s'ecria M. Saint-Pavin, qui, malgre le
debraille de sa mise et le cynisme de ses facons, semblait on ne peut
mieux accepte.
Personne plus ne faisait attention a Maxence; il en profita pour
s'esquiver sans le moindre souci de ce que penserait M. Costeclar.
Il avait bien eu un moment la pensee de prendre la defense de Mlle
Lucienne; il avait ete retenu par la peur du ridicule et aussi par
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