Et, au bout de quinze jours, un geolier m'ouvrit la
porte, en me disant:
--Allez, vous etes libre!
Maxence, maintenant, s'expliquait le sourire doucement ironique
de Mlle Lucienne, lorsqu'il se vantait d'avoir ete, lui aussi,
malheureux.
Quelle vie, que celle de cette enfant, et comment de telles
choses pouvaient-elles avoir lieu a deux pas de Paris, en pleine
civilisation, au milieu d'une societe qui juge son organisation trop
parfaite pour consentir a la modifier!
Hatant son debit, la jeune fille continuait:
--C'etait vrai, j'etais libre. Mais que faire de ma liberte? Voila ce
que je me demandais, en m'en allant a travers les rues de Paris, car
c'est a Paris que j'avais ete emprisonnee. Bientot, la peur me
prit, du mouvement, du bruit, et aussi des sergents de ville qui me
suivaient d'un regard soupconneux, lorsque je passais pres d'eux,
vetue de loques, la tete couverte d'un mauvais madras.
Je me hatai de gagner la barriere, puis la grande route.
Un instinct machinal me ramenait sur Rueil. Il me semblait que je
serais moins abandonnee et plus en surete, dans un pays familier
ou tout le monde me connaissait pour m'avoir vue passer cent fois,
poussant ma petite charrette. J'esperais aussi que je trouverais un
abri dans le logement que j'avais occupe avec la marchande des quatre
saisons.
Ce dernier espoir devait etre decu. Aussitot apres notre arrestation,
le proprietaire du taudis en avait enleve et jete au fumier tout ce
qu'il contenait et l'avait loue a une espece de mendiant hideux,
lequel, lorsque je me presentai, me proposa en ricanant de devenir sa
menagere.
Je m'enfuis en courant.
Certes, la situation etait plus affreuse que le jour ou j'avais ete
chassee de la maison de ma bienfaitrice. Mais les huit mois que je
venais de passer avec l'horrible revendeuse m'avaient appris de
nouveau la misere et retrempe mon energie.
Je retirai d'un pli de ma robe, ou je la tenais constamment cousue,
la piece de vingt francs que je possedais, et comme j'avais faim,
j'entrai chez une espece de marchand de vins-logeur, ou j'avais mange
quelquefois.
Ce logeur etait un brave homme. Lorsque je lui eus expose ma
situation, il m'offrit de rester chez lui en attendant mieux. Les
consommateurs affluant le dimanche et le lundi, il etait oblige de
prendre, ces jours-la, une servante de renfort. Il me proposait d'etre
cette servante, me promettant en echange le logement et un repas par
jour.
Il ajoutait qu
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