ucienne? me demanda-t-il.
--Oui, repondis-je toute surprise.
--C'est bien vous qui avez failli etre ecrasee par une voiture, a
l'angle du faubourg Saint-Martin et du boulevard?
--Oui.
--Savez-vous a qui appartenait cet equipage?
--A la baronne de Thaller, a ce qu'on m'a dit.
Il parut un peu etonne, mais tout de suite:
--Avez-vous fait ou fait faire des demarches pres de cette dame?
interrogea-t-il.
--Aucune.
--Vous a-t-elle donne signe de vie?
--Non.
Le sourire lui revint aux levres.
--Heureusement pour vous, je suis la! me dit-il. Plusieurs fois deja
je me suis presente, vous etiez trop souffrante pour m'entendre.
Maintenant que vous allez mieux, ecoutez-moi.
Et la-dessus, ayant pris une chaise, il s'assit et se mit a
m'expliquer sa profession.
Il etait homme d'affaires, et avait pour specialite les accidents.
Des qu'il en arrivait un, il en etait prevenu par les relations qu'il
avait a la prefecture de police. Aussitot il se mettait en quete de
la victime, la rejoignait, soit chez elle, soit a l'hopital, et lui
offrait ses services.
Moyennant une raisonnable remuneration, il se chargeait, s'il y avait
lieu, d'obtenir des dommages-interets. Il intentait des proces au
besoin, et quand la cause lui semblait imperdable, il en faisait les
avances.
Il m'affirmait, par exemple, que mon droit etait indiscutable, que la
baronne de Thaller me devait une indemnite, et qu'il se faisait fort
de lui tirer quatre ou cinq mille francs pour le moins. Je n'avais
qu'a lui donner ma procuration...
Mais en depit de ses instances, je repoussai ses offres, et il se
retira tres-mecontent en me disant que je ne tarderais pas a m'en
repentir...
A la reflexion, en effet, je regrettai d'avoir suivi la premiere
inspiration de mon orgueil, et d'autant plus vivement que les bonnes
soeurs que je consultai, me dirent toutes que j'avais eu tort et que
ma reclamation n'eut ete que legitime.
Alors, sur leurs conseils, je pris une autre voie, qui, tout aussi
surement, estimaient-elles, devait me mener au but.
Le plus brievement qu'il me fut possible, je redigeai l'histoire de ma
vie, depuis le jour ou j'avais ete abandonnee chez les maraichers
de Louveciennes, j'y joignis l'expose fidele de ma situation et
j'adressai le tout a Mme de Thaller.
--Vous allez la voir arriver des demain, me disaient les bonnes
religieuses.
Elles se trompaient, Mme de Thaller ne vint ni le lendemain, ni les
jours suivants.
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