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et je ne possedais pas une machine a coudre. A peine en travaillant quinze ou seize heures arrivais-je a gagner trente sous par jour. Ce n'etait pas assez pour me nourrir et payer mon logement qui me coutait vingt-cinq francs par mois. Pour comble, l'ouvrage me manqua. Loque a loque, tout ce que je possedais prit le chemin du Mont-de-Piete. Et par un triste jour de decembre, chassee de mon garni, je me trouvai sur le pave, n'ayant pour toute fortune qu'une piece de dix sous. Jamais je ne m'etais vue si bas, et le decouragement s'en melant, et la lassitude de la lutte, je ne sais a quelles extremites je me serais decidee, quand le souvenir me revint de cette dame si riche, dont les chevaux m'avaient renversee au coin du boulevard. J'avais garde sa carte de visite. Sans hesiter, j'entrai dans une cremerie, ou je demandai une plume et du papier, et surmontant les dernieres revoltes de mon orgueil, j'ecrivis: "Vous souvient-il, madame, d'une pauvre fille que votre voiture a failli ecraser? Une fois deja, elle s'est adressee a vous, et vous ne lui avez pas repondu. Elle est aujourd'hui sans asile et sans pain, et vous etes sa supreme esperance..." Ces quelques lignes mises sous enveloppe, je courus a l'adresse indiquee, et j'y trouvai un hotel magnifique, precede d'une vaste cour. Chez le concierge ou j'entrai, cinq ou six domestiques causaient, qui me toiserent en ricanant, quand je leur demandai de porter ma lettre a Mme le baronne de Thaller... L'un d'eux pourtant eut pitie: --Venez avec moi, me dit-il, venez!... Il me fit traverser la cour, et m'ayant fait entrer dans le vestibule: --Donnez-moi votre lettre, ajouta-t-il, et attendez-moi ici. De meme que la premiere fois, au nom de Mme de Thaller, Maxence ouvrait la bouche pour formuler les reflexions qui lui traversaient l'esprit... Mais, ainsi que la premiere fois, Mlle Lucienne lui imposa silence. Et continuant: --De ma vie, dit-elle, je n'avais rien vu d'aussi magnifique que ce vestibule de l'hotel de Thaller, avec ses hautes colonnes, son pave de marbres de toutes les couleurs, ses statues, ses larges caisses de bronze pleines de fleurs les plus rares, et ses banquettes de velours ou des valets en grande livree baillaient a se demettre la machoire. J'etais un peu intimidee, je l'avoue, de tout ce luxe, et je demeurais piteusement plantee sur mes pieds, lorsque, tout a coup, les valets se dresserent respectueusement. Une de
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