oiture,
j'aidais a la servir a table et a l'habiller, je ramassais son
mouchoir quand il tombait, et surtout je cherchais sa tabatiere,
qu'elle egarait continuellement.
Ma docilite lui plaisait, elle s'occupa de moi; pour me mettre a meme
de lui faire la lecture, elle me fit apprendre a lire, car c'est a
peine si je connaissais mes lettres. Et le vieux bonhomme qu'elle
me donna pour professeur, me trouvant intelligente, se piqua
d'amour-propre, et m'enseigna tout ce qu'il savait, j'imagine, de
francais, de geographie et d'histoire.
La femme de chambre, d'un autre cote, avait ete chargee de me montrer
a coudre, a broder, et a executer tous les petits ouvrages de femme,
et elle apportait d'autant plus d'interet a ses lecons, que petit a
petit elle se debarrassait sur moi du plus ennuyeux de sa besogne.
J'aurais ete heureuse, dans cette jolie maison de La Jonchere, si on
n'y eut pas trop completement oublie mon age. J'etais naturellement
serieuse et reservee, comme tous les enfants qui ont ete aux prises
avec la misere, mais enfin, je n'avais que douze ans, et je souffrais
de toujours vivre entre des vieilles femmes qui, des que je me
permettais un mouvement un peu brusque, me grondaient... Que
n'aurais-je pas donne, pour qu'il me fut permis de courir et de jouer
avec les fillettes que je voyais passer le dimanche, par bandes, sur
la grande route!...
Et cependant, pouvais-je souhaiter une condition meilleure? Non. Et je
ne devais pas tarder a l'apprendre cruellement a mes depens...
De mois en mois, ma vieille maitresse s'attachait a moi davantage et
s'ingeniait a me donner des preuves de son attachement. Je mangeais
a table avec elle, au lieu de la servir comme au debut. Elle m'avait
fait habiller de facon a pouvoir m'emmener et me presenter partout.
Elle s'en allait repetant a tout venant qu'elle m'aimait comme
sa fille, qu'elle m'etablirait et que bien certainement elle me
laisserait une partie de sa fortune.
Elle le disait trop haut, pour mon malheur! Si haut, que la nouvelle
s'en alla jusqu'aux oreilles de neveux qu'elle avait a Paris, des
hommes de Bourse, que je voyais de temps a autre a La Jonchere.
Ils n'avaient guere fait attention a moi, jusque-la. Ces propos leur
ouvrant les yeux, ils discernerent le chemin que j'avais fait dans la
coeur de leur parente, et leur cupidite s'alarma.
Tremblant de voir leur echapper un heritage qu'ils consideraient
comme leur, ils se liguerent contre moi, resolus
|