ilberte, mais
il etait homme, et les ressorts de son energie avaient une trempe
superieure. Avant qu'une minute se fut ecoulee, il avait repris
l'entiere possession de soi et impose a ses traits leur expression
accoutumee.
Attirant une chaise, ou il s'assit, pres du fauteuil de Mlle Gilberte:
--Permettez-moi, mon amie, lui dit-il, de vous rappeler que nos
moments sont comptes, et qu'il est bien des details qu'il est urgent
que je sache...
Elle releva la tete, et s'efforcant de hausser son sang-froid jusqu'a
celui de Marius:
--Quel details? interrogea-t-elle.
--Au sujet de votre pere.
Elle le regarda d'un air de stupeur profonde.
--N'en savez-vous pas bien plus que moi, repondit-elle, plus que ma
mere, plus que nous tous? N'est-ce donc pas vous qui, en poursuivant
les gens qui ont depouille votre pere, avez atteint le mien? Et c'est
moi, malheureuse que je suis! qui vous ai inspire cette resolution
fatale, et je n'ai pas la force de vous en vouloir...
Imperceptiblement, M. de Tregars avait rougi.
--Comment avez-vous su? commenca-t-il...
--N'a-t-on pas dit que vous alliez epouser Mlle de Thaller?
Il se dressa brusquement:
--Jamais! s'ecria-t-il, ce mariage n'a existe que dans la cervelle de
M. de Thaller et de la baronne de Thaller, surtout. L'idee ridicule
lui en est venue, parce que mon nom lui plait, et qu'elle serait ravie
de voir sa fille marquise de Tregars. Jamais elle ne m'en a ouvert la
bouche, mais elle en a parle de tous cotes, juste assez secretement
pour donner matiere a un bon cancan de salon. Elle a ete jusqu'a
confier a plusieurs personnes de mes relations, le chiffre de la dot,
pensant ainsi m'encourager... Autant qu'il etait en moi, je vous avais
mise en garde contre cette fausse nouvelle, par l'intermediaire du
signor Gismondo.
Peut-etre, sans se l'avouer, Mlle Gilberte n'etait-elle pas fachee de
l'explication, non plus que de la vehemence de Marius.
--Le signor Gismondo m'a delivree de cruelles anxietes, repondit-elle,
mais j'avais tout d'abord soupconne la verite.
--Cependant...
--N'etais-je pas la confidente de vos esperances, ne savais-je pas
quel but vous poursuivez? Je n'avais vu dans ces projets de mariage
qu'un moyen de vous avancer dans l'intimite de M. de Thaller sans
eveiller ses defiances...
M. de Tregars n'etait pas homme a nier un fait vrai.
--Peut-etre, en effet, dit-il, n'ai-je pas ete etranger au desastre de
M. Favoral. Et quand je m'exprime ai
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