traces, esperant le voir, le devisager, mais il etait loin deja.
Accote contre un reverbere du boulevard du Temple, il depliait le
journal qu'il venait d'acheter.
Oh! il n'eut pas a chercher l'article.
Au beau milieu de la premiere page, a la place d'honneur, en grosses
lettres, il lut:
ENCORE UN SINISTRE FINANCIER!
"Au moment ou nous mettons sous presse, la petite Bourse est en proie
a la plus violente agitation. Avec la rapidite d'une trainee de
poudre, la nouvelle se repand, tout le long du boulevard, qu'un de nos
grands etablissements de credit vient d'etre victime d'un vol d'une
importance exceptionnelle.
"Vers les cinq heures du soir, ayant besoin d'une piece de
comptabilite, le directeur du _Comptoir de credit mutuel_ se
transporta dans le bureau occupe par le caissier central, alors
absent. Un bordereau oublie sur une table fit jaillir dans son esprit
l'eclair du soupcon. Epouvante, il envoya chercher un serrurier, fit
ouvrir les tiroirs et acquit l'irrecusable preuve que le _Credit
mutuel_ etait victime de detournements dont le total connu jusqu'a
present s'eleve a plus de douze millions.
"A l'instant meme, une plainte etait deposee, et vers sept heures, M.
Brosse, le commissaire du quartier, se presentait, muni d'un mandat
d'amener, au domicile du caissier infidele.
"Ce caissier, nomme Favoral--nous n'hesitons pas a le nommer, puisque
son nom est dans toutes les bouches--venait de se mettre a table, avec
quelques-uns de ses amis. Prevenu, on ne sait comment, il gagna une
piece reculee de son appartement, se laissa glisser par la fenetre
dans la cour d'une maison voisine, et reussit a dejouer toutes les
recherches.
"Il y a des annees, parait-il, que ses detournements duraient,
habilement masques par des faux.
"M. Favoral avait eu l'habilete de surprendre l'estime de tous les
gens qui le connaissaient. Habitant le Marais, il y menait une
existence plus que modeste. Mais il n'avait la que sa demeure
officielle, en quelque sorte. Dans un autre quartier, et sous un autre
nom, il se livrait a des depenses effrenees, entourant d'un luxe inoui
une femme dont il etait follement epris.
"Sur cette femme, on n'est pas d'accord.
"Les uns nomment une tres seduisante comedienne, dont le theatre n'est
pas a cent lieues du passage des Panoramas; les autres, une dame de
la haute societe financiere, dont les equipages, les diamants et les
toilettes ont un renom merite.
"Il nous serait facile de do
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