parlait si haut, que trois ou quatre curieux s'etaient arretes.
Mais que lui importait!
Et de son terrible accent gascon:
--Mais j'en ai assez, continua-t-il, de ce metier de dupe! Et un de
ces quatre matins, au lieu de ces blagues qui ont fait votre fortune,
je vais me mettre a imprimer la verite toute vive et toute nue. Ah!
vous ne voulez pas me payer! Eh bien! le public me payera, lui, pour
savoir au juste ce que sont toutes vos boutiques, et ce qu'il risque a
s'y aventurer!
Sans etre un grand clerc, Maxence comprenait fort bien qu'il etait
arrive au plus fort d'une apre discussion d'argent entre ces deux
messieurs.
Serre de trop pres, et croyant ainsi gagner du temps, M. Costeclar
l'avait appele, mais l'autre n'etait pas d'un caractere a se laisser
fermer la bouche par un tiers...
Saluant donc:
--Excusez-moi, messieurs, dit le jeune homme, de vous avoir
interrompus...
Mais M. Costeclar le retint.
--Je ne vous lache pas, declara-t-il, vous allez venir avec nous
prendre un verre de madere a la Cascade...
Et s'adressant au directeur du _Pilote_:
--Allons, tais-toi, lui dit-il, tu auras ce que tu demandes.
--Vrai?
--Tu as ma parole.
--J'aimerais mieux un petit bout d'engagement.
--Je te le signerai ce soir.
--Oh! alors, en avant les grands moyens! Tu me diras des nouvelles de
mon numero de dimanche.
La paix etait faite, et c'est le plus amicalement du monde que ces
messieurs continuerent leur promenade le long de l'allee des pietons.
--Ainsi, disait M. Costeclar a Maxence, vous ne venez pas souvent au
bois?...
--Jamais. Je n'en ai ni le temps ni les moyens...
--Eh bien! c'est un tort, interrompit M. Saint-Pavin.
Et s'arretant brusquement:
--Oui, c'est un tort, insista-t-il, car le spectacle est curieux et
vaut la peine d'etre medite. Regardez bien, monsieur Favoral, et
de tous vos yeux! Regardez-moi ces voitures de toutes sortes,
ces livrees, ces cavaliers, ces chevaux, ces femmes en toilettes
magnifiques, tout ce luxe, tout cet etalage!... C'est ici que se
depense une bonne partie de cet argent des autres qu'on se dispute si
chaudement a la Bourse. C'est ici, que moi qui suis un philosophe, je
viens chercher le pourquoi d'un tas de petites infamies, le secret de
filouteries inexplicables, la raison de ces ruines soudaines dont vous
parlent les journaux... C'est ici que les heureux du jeu s'etalent et
brillent... C'est pour s'y etaler et y briller qu'on joue... Deman
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