enage ou il
prodiguait l'argent dont il se montrait si avare ici. Est-ce vrai? On
en dit autant de tous les gens entre les mains de qui on voit fondre
des fortunes...
La jeune fille etait devenue fort rouge.
--Je crois qu'on dit vrai, repondit-elle.
--Ah!
--Le commissaire de police nous l'a affirme. Il a trouve parmi les
papiers de mon pere les factures acquittees d'une certaine quantite
d'objets couteux qui ne pouvaient etre destines qu'a une femme...
Le front de M. de Tregars se plissait.
--Et sait-on quelle est cette femme? interrogea-t-il. La
connait-on?...
--Non.
--Quelle qu'elle soit, j'admets qu'elle a du couter a M. Favoral des
sommes considerables. Mais lui a-t-elle coute douze millions?
--Voila precisement la remarque que faisait M. Chapelain.
--Et ce sera celle de tout homme sense. Je sais bien que ce n'est pas
de l'argent liquide que l'on detourne, et que le plus souvent, pour
avoir dix mille francs, il faut en prendre trente mille. Je sais bien
que pour cacher pendant des annees un deficit considerable, il faut le
creuser chaque jour davantage; qu'il faut recourir a des manoeuvres de
fonds, a des ventes, a des achats, a des virements qui ruinent. Mais,
d'un autre cote, M. Favoral gagnait de l'argent, beaucoup d'argent.
Il a ete riche. On lui croyait des millions. Est-ce que sans cela
Costeclar eut jamais demande votre main?
--M. Chapelain pretend qu'a une certaine epoque, mon pere possedait au
moins cinquante mille livres de rentes.
--Il en est sur?
--Il le dit.
--C'est a s'y perdre...
Pendant plus de deux minutes, M. de Tregars demeura pensif, remuant
dans son esprit toutes les eventualites imaginables, puis:
--Mais qu'importe! reprit-il. Quand j'ai appris, ce matin, le chiffre
du deficit, des doutes aussitot me sont venus. Et c'est pour cela, mon
amie, que je tenais tant a vous voir, a vous parler. Il me faudrait
savoir exactement ce qui s'est passe ici, hier soir...
Rapidement, mais sans omettre un detail utile, Mlle Gilberte raconta
les scenes de la veille, la soudaine arrivee de M. de Thaller, la
survenue du commissaire de police, l'evasion de M. Favoral, grace a la
presence d'esprit de Maxence.
Toutes les paroles de son pere lui etaient restees dans la memoire, et
c'est presque litteralement qu'elle repetait ses discours etranges a
ses amis indignes, et ses propos incoherents au moment de fuir, alors
que tout en s'accusant, il disait qu'il n'etait pas coupabl
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