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on croyait, qu'il ne l'etait pas seul en tout cas, et qu'il etait
indignement sacrifie.
Lorsqu'elle eut acheve:
--Voila bien ce que je pensais, dit M. de Tregars.
--Quoi?
--M. Favoral a accepte un role dans quelqu'une de ces terribles
comedies financieres, qui ruinent un millier de pauvres dupes au
profit de deux ou trois habiles gredins. Votre pere voulait etre
riche, il lui fallait de l'argent pour alimenter ses desordres, il a
ete tente. On lui a montre les benefices immenses, les risques nuls,
il s'est laisse seduire, il a cesse d'etre honnete homme. Mais tandis
qu'il se croyait un des directeurs du spectacle appeles a partager la
recette, il n'etait qu'un comparse a appointements fixes. Le moment
du denoument venu, ses soi-disant associes ont disparu par une trappe
avec la caisse, et il reste seul en face du public qui redemande
l'argent...
A agiter ces desolantes questions, Marius et Mlle Gilberte avaient
repris toutes les apparences du sang-froid.
Jamais, a les voir assis l'un pres de l'autre, on n'eut soupconne
l'etrangete de leur situation. Eux-memes l'oubliaient.
--S'il en est ainsi, reprit la jeune fille, comment mon pere s'est-il
tu?
--Que devait-il dire?
--Nommer les complices.
--Et s'il n'avait pas de preuves a donner de leur complicite? Il etait
le caissier du _Comptoir de credit mutuel_, c'est a sa caisse que les
millions manquent...
Les conjectures de Mlle Gilberte avaient bien devance cette phrase.
Regardant fixement Marius:
--Alors, fit-elle, de meme que M. Chapelain, vous croyez que M. le
baron de Thaller?...
--Ah! M. Chapelain croit...
--Que le directeur du _Credit mutuel_ connaissait les detournements.
--Et qu'il en a profite?
--Plus que son caissier, oui.
Un singulier sourire plissait les levres de M. de Tregars.
--C'est possible, repondit-il, c'est bien possible...
Depuis un moment, l'embarras de Mlle Gilberte se lisait dans son
regard. Enfin, surmontant son hesitation:
--Pardonnez-moi, dit-elle, je m'etais imagine que M. de Thaller etait
un des hommes que vous voulez frapper, et je m'etais bercee de cette
esperance que, peut-etre, en faisant rendre justice a votre pere, vous
songiez a venger le mien...
Comme s'il eut ete mu par un ressort, M. de Tregars se dressa.
--Eh bien! oui, s'ecria-t-il, oui, vous m'avez devine!... Mais comment
atteindre ce double but? Une fausse manoeuvre, en ce moment, perdrait
tout! Ah! si je savais la veri
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