a leur tendre
la main. Est-ce qu'on se souvient, d'ailleurs! Est-ce que chaque matin
il ne tombe pas une avalanche d'evenements qui ensevelissent les
evenements de la veille!
Il s'eternisait, et ce n'est pas sans peine que Maxence et Gilberte
parvinrent a le congedier, fort mecontent, il ne le dissimula pas, de
voir sa requete si mal accueillie.
Il etait plus de minuit. Maxence eut bien voulu rentrer chez lui, mais
sur les instances de sa mere, il consentit a rester et il alla se
jeter tout habille sur le lit de son ancienne chambre.
--Que nous reserve, pensait-il, la journee de demain!...
XXIII
C'est aux clameurs furieuses d'une foule exasperee, que le lendemain,
le dimanche, des le matin, Mme Favoral et ses enfants s'eveillerent,
apres quelques heures de ce sommeil de plomb qui suit les grandes
catastrophes, et qui est le dernier bienfait de la nature violentee.
Chacun d'eux, du fond de sa chambre, comprit que l'appartement venait
d'etre envahi.
Aux coups violents frappes a la porte, se melaient des trepignements
sourds, des jurons d'hommes et des piailleries de femmes. Et au-dessus
de ce tumulte confus et continu, des vociferations se detachaient:
--Je vous dis qu'ils y sont!...
--Canailles! Filous! Voleurs!...
--Nous voulons entrer, nous entrerons!...
--Que la femme vienne alors, on veut la voir, on veut lui parler!...
Par instants, un grand silence se faisait, et on distinguait la voix
dolente de la servante, mais presque aussitot les cris et les menaces
recommencaient de plus belle.
Pret le premier, Maxence courut au salon, ou ne tarderent pas a le
rejoindre sa mere et sa soeur, pales, les traits bouffis par le
sommeil et par les larmes.
Mme Favoral tremblait si fort qu'elle ne pouvait venir a bout
d'agrafer sa robe.
--Entendez-vous? disait-elle d'une voix etranglee.
Du salon, separe de la salle a manger par une porte a deux battants,
ils ne perdaient pas une insulte.
--Eh bien! dit froidement Mlle Gilberte, ne devions-nous pas nous
attendre a cette supreme avanie! Si Bertau est venu seul, hier soir,
c'est que seul, parmi les gens que depouille notre pere, il etait
prevenu. Voici les autres, maintenant!...
Et se retournant vers son frere:
--Il faut les voir, ajouta-t-elle, leur parler.
Mais Maxence ne bougea pas. L'idee d'affronter les injures et les
maledictions de ces creanciers furibonds lui soulevait le coeur.
--Aimes-tu mieux leur laisser enfoncer la po
|