esses, emus, detournant les yeux. Mlle Gilberte
s'apercevait du desordre de sa toilette et elle en avait honte. M.
de Tregars s'etonnait maintenant de la hardiesse qu'il avait eue de
penetrer ainsi dans cette maison.
--Vous savez quel malheur nous frappe? reprit enfin la jeune fille.
--Je l'ai appris ce matin par le journal.
--Quoi! les journaux savent deja?...
--Tout.
--Et notre nom y est imprime?
--Oui.
Elle se voila le visage de ses deux mains, et accablee:
--Quelle honte!... fit-elle.
--Sur le premier moment, continuait M. de Tregars, je ne pouvais
croire a la realite de ce que je lisais. Je me suis hate d'accourir,
et le premier boutiquier des environs que j'ai questionne, ne m'a que
trop prouve que le journal disait vrai. Des lors, je n'ai plus eu
qu'un desir, imperieux, immense: vous parler. Et je suis arrive rue
Saint-Gilles pousse par l'esperance incertaine de vous apercevoir. En
reconnaissant a votre porte l'equipage de M. Costeclar, j'ai eu comme
un pressentiment de la verite. Je suis entre chez le concierge et j'ai
demande votre mere ou votre frere. On m'a repondu que Maxence etait
sorti depuis un moment deja, et que Mme Favoral venait de sortir, en
voiture, avec M. Chapelain, l'ancien avoue. A l'idee que vous etiez
seule avec M. Costeclar, je n'ai pas hesite. Je me suis lance dans
l'escalier. La porte de votre appartement n'etant pas fermee, je n'ai
pas eu besoin de sonner, et votre domestique m'a laisse entrer sans
seulement me demander ce que je voulais...
Non sans efforts, Mlle Gilberte maitrisait les sanglots qui gonflaient
sa poitrine.
--Je n'esperais plus vous revoir, balbutia-t-elle.
--Oh!
--Et vous trouverez la, sur la table, la lettre que je venais de
commencer pour vous, lorsque M. Costeclar m'a interrompue.
Vivement, M. de Tregars s'en empara. Deux lignes seulement etaient
ecrites; il lut:
"Je vous rends votre parole, Marius, desormais vous etes libre!!!"
Devenu plus blanc qu'un linge:
--Vous me rendiez ma parole, s'ecria-t-il, vous!...
--N'est-ce pas mon devoir?
--Gilberte!...
--Ah! s'il ne se fut agi que de notre fortune, loin de la regretter,
je me serais peut-etre rejouie de la perdre. Je connais votre coeur.
Je me serais dit que la pauvrete nous rapprochait. Mais c'est
l'honneur qui est perdu, Marius, l'honneur, la fierte de soi, le droit
de marcher le front haut. Le nom que je porte est a jamais fletri. Que
mon pere soit repris, ou qu'il echap
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