l donnees pour les abjurer? et celui qui les eprouve assez
vivement pour braver tous les devoirs, tous les malheurs, tous les
remords, tous les dangers, n'est-il pas plus hardi et plus fort que
celui dont la prudence et la raison gouvernent et arretent tous les
elans? Qu'est-ce donc que cette fievre que je sens dans mon cerveau?
Qu'est-ce donc que ce feu qui me devore la poitrine, ce bouillonnement
de mon sang qui me pousse, qui m'entraine vers Fernande? Est-la les
sensations d'un etre faible? Ils se croient forts parce qu'ils sont
froids. D'ailleurs, qui sait le fond de leurs pensees? qui peut deviner
leurs intentions reelles? Ce Jacques qui m'abandonne et me livre au
danger pendant un an, et qui, malgre sa penetration exquise en toute
autre chose, ne s'apercoit pas que je deviens fou sous ses yeux; cette
Sylvia qui redouble d'affection pour moi, a mesure que je me console
de ses dedains et que je les brave en aimant une autre femme, sont-ils
sublimes ou imbeciles? Avons-nous affaire a de froids raisonneurs
qui contemplent notre souffrance avec la tranquillite de l'analyse
philosophique, et qui assisteront a notre defaite avec la superbe
indifference d'une sagesse egoiste? a des heros de misericorde, a
des apotres de la morale du Christ qui acceptent le martyre de leurs
affections et de leur orgueil? A present que j'ai perdu l'aimant qui
m'attachait a eux, je ne les connais plus; je ne sais plus s'ils me
raillent, s'ils me pardonnent ou s'ils me trompent. Peut-etre qu'ils
me meprisent; peut-etre qu'ils s'applaudissent de leur ascendant sur
Fernande, et de la facilite avec laquelle ils m'ont separe d'elle au
moment ou elle allait etre a moi. Oh! s'il en etait ainsi, malheur a
eux! Vingt fois par jour je suis au moment de partir pour la Touraine.
Mais cette Sylvia m'arrete et me fait hesiter. Maudite soit-elle! Elle
exerce encore sur moi une influence qui a quelque chose d'irresistible
et de fatal. Toi qui crois au magnetisme, tu aurais ici beau jeu pour
expliquer le pouvoir qu'elle a encore sur moi apres que mon amour pour
elle est eteint, et quand nos caracteres s'accordent et se ressemblent
si peu. Quand Fernande etait ici, j'etais si heureux, si enivre au
milieu de toutes mes souffrances, que je pensais tout ce qu'elle disait.
Sylvia etait mon amie, ma soeur cherie, comme elle etait l'amie et la
soeur cherie de Fernande. A present, elle m'etonne et m'inspire de la
mefiance. Je ne peux pas croire qu'elle ne soit pas m
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