avec vous. Que Dieu nous protege! A present le sacrifice est
consomme; si je succombe, souvenez-vous de moi pour me plaindre et pour
me pardonner ce que je vous ai fait souffrir.
Si vous voulez m'accorder une grace, restez encore quelques jours a
Saint-Leon; et puisque Silvia n'a pu se decider a me suivre, profitez de
cette sainte amitie que la Providence vous offre comme une consolation.
Elle est triste aussi; j'ignore ce qu'elle a; peut-etre devine-t-elle
que je suis malheureuse. Elle se devoue a mes enfants; elle leur servira
de mere. Voyez-les, ces pauvres enfants que j'abandonne aussi, pour
fuir tout ce que j'ai de plus cher au monde a la fois; leur vue vous
rappellera mes devoirs et les votres; vous souffrirez moins pendant ces
premiers jours. Si, au lieu de vous plonger dans la solitude, vous vous
nourrissez l'ame du temoignage de notre honnete amitie et du spectacle
de ces lieux, ou tout vous parlera des graves et augustes devoirs de la
famille et de l'honneur, vous vous souviendrez d'y avoir ete heureux par
la vertu, et vous vous rejouirez de n'avoir pas souille la purete de ce
souvenir.
LXVII.
DE SYLVIA A JACQUES.
Saint-Leon.
Vous avez bien fait de me laisser vos enfants; ce voyage eut fait
beaucoup da mal a ta fille, qui n'est pas bien portante. Son
indisposition ne sera rien, j'espere; elle serait devenue serieuse dans
une voiture, loin des mille petits soins qui lui sont necessaires. Ne
parle pas a ta femme de cette indisposition, qui sera guerie sans doute
quand tu recevras ma lettre. C'est une grande terreur pour moi que la
moindre souffrance de tes enfants, surtout a present que je suis seule.
Je tremble de voir leur sante s'alterer par ma faute; je ne les quitte
pourtant pas d'une minute, et je ne gouterai pas un instant de sommeil
que notre chere petite ne soit tout a fait bien.
Je suis heureuse d'apprendre que vous avez fait un bon voyage, et que
vous avez recu le plus aimable accueil; mais je m'afflige et m'effraie
de la tristesse epouvantable ou tu me dis que Fernande est plongee.
Pauvre chere enfant! Peut-etre as-tu mal fait de ceder si vite a son
desir; il eut fallu lui donner le temps de reflechir et de se raviser.
Il m'a semble qu'au moment de partir, elle etait au desespoir, et
que, sans la crainte de te deplaire, elle eut renonce a ce voyage. Je
n'augure rien de bon de cette separation. Octave est comme fou. J'ai
reussi a le retenir jusqu'a present, mais je desespere de le cal
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