uvoir donner sa mesure, maintenant
qu'il avait trouve le maitre puissant de ses reves. Il allait enfin etre
quelqu'un avec qui l'on compte. Ah! certes, il serait fidele a celle qui
le tirait du neant pour faire de lui un homme redoutable.
Et, comme si elle eut devine ce qui se passait dans sa tete, Fausta
reprit, d'une voix calme, mais ou percait cependant une sourde menace:
--Oui, il faudra m'etre fidele, c'est ton interet... D'ailleurs, j'en
sais assez sur ton compte pour faire tomber ta tete rien qu'en levant un
doigt.
Centurion la regarda en face, et, d'une voix basse, ardente:
--Madame, dit-il, vous avez le droit de douter de ma fidelite, puisque
j'ai trahi pour vous. Je vous jure cependant que je suis sincere en vous
disant que je vous appartiens corps et ame et que vous pouvez disposer
de moi comme vous l'entendrez. A defaut de cette sincerite, mon interet
vous repond de moi.
--Bien, dit gravement Fausta, vous parlez un langage que je comprends.
Voici le bon de vingt mille livres promis pour la capture du sire de
Pardaillan. Voici de plus un bon de dix mille livres pour recompenser
les braves qui vous ont aide.
Centurion, fremissant, saisit les deux bons et les fit disparaitre
vivement en songeant a part lui:
"Dix mille livres pour ces droles!... Halte-la, madame Fausta, ceci,
c'est du gaspillage..."
Malheureusement pour lui, Centurion ne connaissait pas encore Fausta.
Elle se chargea incontinent de lui prouver que, s'il avait cherche en
elle un maitre, il l'avait trouve, et qu'il lui faudrait marcher droit
s'il ne voulait pas se faire casser a gages.
En effet, Fausta, comme si elle avait lu a livre ouvert dans sa pensee,
lui dit, sans manifester ni colere ni mecontentement:
--Il faudra perdre ces habitudes de prevarication. La part que je vous
fais est assez belle pour que vous laissiez a chacun ce que je lui
alloue. Si vous tenez a rester a mon service, il faudra devenir
scrupuleusement honnete. Sachez qu'une heure apres que vous aurez fait
votre distribution, je saurai quelle somme vous aurez remise a chacun,
et, si vous avez soustrait seulement un denier, je vous briserai
impitoyablement.
Honteux, Centurion rougit, ce dont il fut bien etonne lui-meme, et, se
courbant:
--Vous etes bien, je le vois, celle que Dieu a envoyee, puisqu'il vous a
donne le pouvoir de ire dans les consciences. Desormais, madame, je vous
le jure, je n'aurai plus de telles idees.
--Bien vous ferez, dit froi
|