a ce point de vue que la Bretagne a ete peinte dans ce livre; la
Bretagne est religieuse, c'est ce qui fait qu'elle est encore la Bretagne.
LA BRETAGNE
I
Foi et poesie des Bretons.
=Le Grand-Be.--Les croix.--Les eglises.--Les clochers.=
La baie de Saint-Malo est toute parsemee de rochers sur lesquels on a
construit des forts qui protegent la ville de leurs feux croises; le
Grand-Be est un de ces ilots; naguere il etait arme de canons; aujourd'hui,
le fort abandonne tombe en ruines, et, a l'extremite de son cap, de loin on
apercoit une croix se dessinant sur l'azur du ciel. Cette croix attire tous
les regards, et c'est vers cette croix, des que la mer basse laisse a
decouvert la greve de sable et de granit, que tendent les pas des
voyageurs.
Apres avoir monte une pente raide et apre, on atteint un plateau nu, aride,
ou quelques moutons trouvent a peine a brouter une herbe rare; on tourne a
travers un defile de rochers, et, sur la pointe la plus escarpee, tout a
coup on se trouve devant une pierre et une croix de granit. C'est le
tombeau de Chateaubriand.
Il n'est pas de plus poetique tombeau: adosse au vieux monde, il regarde le
nouveau; il a sous lui l'immense mer, et les vaisseaux passent a ses pieds;
point de fleurs, point d'herbe alentour, pas d'autre bruit que le bruit de
la mer incessamment remuante, qui, dans les tempetes, couvre cette pierre
nue de l'ecume de ses flots.
La, il avait choisi sa derniere place, la, les discours s'echangent: on se
demande quelle pensee l'inspira quand il declara ne vouloir meme pas que
son nom fut inscrit sur sa tombe. Ceux-ci y voient un sentiment d'humilite,
ceux-la d'orgueil; il y a, ce me semble, l'un et l'autre, et cette humilite
et cet orgueil ont une meme source, un grand desenchantement. Cet homme qui
avait vu tant de projets avortes, tant d'ambitions decues; ce voyageur qui
avait parcouru l'univers, visite l'Orient, berceau de l'ancien monde, et
les deserts de l'Amerique ou nait le monde nouveau; ce poete qui pouvait
compter les cycles de sa vie par les revolutions, etait envahi, a la fin de
ses jours, par une tristesse sans repos. Lui qui, dans sa jeunesse, avait
prelude par des Considerations sur les revolutions, il se complut, en ses
dernieres annees, a ecrire la Vie du reformateur de la Trappe; le silence
et la solitude du cloitre etaient en harmonie avec la tristesse de son ame.
Apres avoir ete charge des plus importantes missions, avo
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