in de terre,
une presqu'ile etroite et avancee dans la mer: Quiberon, Carnac, Auray, ces
bourgs et ces villages celtiques ont vu de pathetiques evenements, ont
entendu sonner d'illustres noms. A Auray, la derniere bataille des deux
competiteurs de Bretagne, Charles de Blois et Monfort, le choc de trois
chevaleries, Anglais, Francais, Bretons, Chandos et du Guesclin; a
Quiberon, la rencontre de deux armees, de deux drapeaux, symboles de deux
societes, gentilshommes descendants des preux chevaliers, republicains
commandes par un fils de palefrenier, Hoche; puis l'immolation des debris
de l'ancienne noblesse, massacre supreme qui ferme l'ere rouge de la
Terreur, comme une large effusion de sang termine un long sacrifice; voila
les faits et les noms: magnanimite, courage, nobles paroles, sentiments
sublimes, l'antiquite n'a rien de plus grand; nous n'avons rien a lui
envier.
C'est ici, a l'entree de la presqu'ile de Quiberon, pres de Carnac, que
debarquerent, a la fin du siecle dernier, des exiles francais venant, les
armes a la main, reconquerir leur patrie.
On ne voit pas sans etonnement dans l'histoire cette tentative des emigres:
c'est en 1795, la grande guerre de Vendee est finie, les principaux chefs,
Bonchamps, d'Elbee, La Rochejaquelein, Cathelineau, sont morts; Stofflet et
Charette seuls resistent a peine a la tete d'une poignee d'hommes,
poursuivis, traques, chaque jour pres de succomber. Mais les exiles
aisement s'abusent: loin de la patrie, les evenements sont passes avant de
retentir a leurs oreilles, comme l'eclair du canon se voit avant qu'on
entende le coup. Tant que la guerre de Vendee fut dans sa force, ils y
attacherent peu d'importance: quand les cent mille hommes qui avaient
franchi la Loire eurent ete tues et disperses, quand le fer et l'incendie
des colonnes infernales eurent saccage le Bocage, les princes exiles
croyaient encore la Vendee en armes; alors arrivait a Charette, du fond de
l'Europe, cette lettre de Suwarow, ecrite avec une emphase orientale, mais
non sans grandeur; alors le comte de Provence envoyait a Charette et a
Stofflet des cordons et des brevets de generaux; alors on revait une
expedition decisive dans l'Ouest, et l'on decidait une descente des emigres
en Bretagne.
Tout, cependant, n'etait pas contraire a cette entreprise: si Stofflet et
Charette etaient reduits a une grande faiblesse, leur resistance tenait la
Vendee en eveil; un secours inattendu, un premier succes pouvait l
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