errains, arrache de sa
base, et, forts, bastions, quartiers entiers bouleverses de fond en comble,
_foules aux pieds comme la moisson dans l'aire_[1], voila Sebastopol
aujourd'hui: des blocs de granit entasses et laisses la pele-mele par la
tempete de la guerre!
[Note 1: Isaie, XXI, 10.]
La rade de Brest est ouverte a l'extremite de la Bretagne, en face meme de
l'Ocean; de l'autre cote de la presqu'ile, la mer a dechire et emporte une
longue bande de terre et a forme ainsi la baie d'Audierne qui regarde le
golfe de Gascogne. Cette baie, peu profonde, battue a la fois des vents de
l'ouest et du sud, est inhospitaliere aux matelots; mais, comme s'il eut
voulu diminuer pour les vaisseaux les chances de naufrage, entre la rade de
Brest et la baie d'Audierne, Dieu leur a prepare une autre retraite, la
baie de Douarnenez, aussi vaste et aussi sure que la rade de Brest, et d'un
acces plus facile. La rade de Brest est fermee par un goulet etroit, afin
de garder les vaisseaux de guerre; la baie de Douarnenez s'ouvre par une
large passe, on y entre et l'on en sort aisement, elle est propre au
commerce, aux petits navires et aux bateaux; arrondissant en un vaste
demi-cercle sa courbe grandiose, c'est moins la mer qu'un bassin de peche.
Trois ou quatre petits ports s'abritent au fond des anses, et dans ces
petits ports semble se cacher tout un peuple de pecheurs aux aguets pret a
s'elancer des qu'une proie est signalee, et des qu'il l'a saisie, revenant
vite, charge de butin, le deposer dans ses magasins, comme la fourmi.
Le principal de ces ports, Douarnenez, fournit des sardines a presque toute
la France. Comme les villes de bains, il a deux physionomies; il y a le
Douarnenez d'hiver et celui d'ete: l'hiver, c'est un bourg de quinze cents
habitants; l'ete, pendant la saison de la peche, c'est une ville de dix
mille ames. Veut-on avoir une idee de cette peche: qu'on sache que
Douarnenez et les trois petits ports groupes comme des faubourgs a ses
cotes, Lequet, Triboul et Porut (leurs noms ne se trouvent sur aucune
carte), emploient a la peche de la sardine plus de huit cent cinquante
barques, et que chaque barque, montee de cinq a six hommes, rapporte chaque
jour de quinze a vingt-cinq mille sardines: la peche durant quatre mois,
que l'on calcule quelles breches ces huit cent cinquante barques ouvrent
dans l'incommensurable armee qui, tous les ans, vient invariablement
s'engouffrer dans la baie; et pourtant, malgre ses per
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