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les revetira, ils seront armes de canons; Saint-Nazaire ne sera pas
seulement un port, il sera une ville forte.
Ces immenses travaux sont improvises en quatre ans, improvises, mais
parfaits. Vastes quais aux dures assises de granit, larges ecluses, lourdes
portes de fer, grues colossales, on enfonce profondement dans le sol, on
attache par des chaines enormes et redoublees tout cet attirail puissant de
machines, tout ce que l'homme a pu inventer de plus fort pour lutter contre
cette eau legere qui, en lechant les quartiers de roc, les use, les rompt
et les emporte.
Mais le principal restait a faire, la ville: le gouvernement avait
construit le port, les remparts; les particuliers ont bati la ville; tout
de suite on l'a concue sur un grand plan: on a vu un Havre nouveau dans
l'avenir, non un avenir de cent ans, mais un avenir prochain, immediat. En
ce temps-ci, ou l'on ne compte plus par mille francs, mais par millions,
les speculateurs sont accourus; des fortunes se sont elevees en trois
jours; tel champ estime il y a dix ans quinze mille francs, s'est vendu
sept cent mille; mais rien n'etonne aujourd'hui en fait de revolutions,
nous en vivons.
Voici trois ans que cette ville est commencee, et deja l'on entrevoit le
developpement qu'elle va prendre. On lit, dans les recits des voyageurs, la
creation des villes neuves des Etats-Unis: une bande de pionniers s'avance
vers l'ouest, au bord des forets et des prairies indefinies; ils abattent
les arbres seculaires, et, tandis que l'on arrache les souches enormes du
sol, sur le terrain a peine deblaye des maisons s'elevent, des magasins
s'ouvrent, un chemin de fer relie la ville eloignee aux grands ports de
l'est. De meme ici: a cote de l'ancien village, dont les maisons basses
sont entassees autour du petit clocher de la vieille eglise, une grande
cite sort de terre, neuve et blanche; les quartiers se dessinent, les
maisons se groupent aux carrefours; on suit de l'oeil dans la campagne la
trace des rues longues et larges; une douzaine de maisons, a droite et a
gauche, au commencement, au milieu et au bout, se dressent comme les jalons
alignes de la rue nouvelle; dans les intervalles, des prairies et des bles;
ici une maison haute de quatre etages, avec des boutiques resplendissantes,
peintes et dorees comme a Paris; a cote un champ laboure, une haie chargee
de mures, une hutte de chaume. Demain, la hutte sera jetee a terre, la haie
arrachee, le champ defonce, et u
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