ncer un de ces rapides coups de pied qui
font plier subitement la jambe; l'adversaire perd l'equilibre et tombe.
Mais Trolez, attentif a tous ses gestes, ne se laissait pas approcher: les
jambes ecartees, le dos longuement tendu et appuye sur ses reins, il
demeurait comme ancre dans le sol; il n'avancait ni ne reculait, ses pieds
ne bougeaient pas de la place qu'ils occupaient; aux assauts redoubles de
son rival, il resistait impassible comme une muraille.
Cette immobilite obstinee excitait, au lieu de l'abattre, l'ardeur de Le
Guichet. Abandonnant sa tactique premiere et se servant, comme d'un moyen
de vaincre, de l'inegalite de sa taille, il se jetait a corps perdu sur
Trolez, et, lui enfoncant sa grosse tete sous l'aisselle, ainsi qu'un coin
enorme, de son cou et de ses rudes epaules il poussait en avant, semblable
a un boeuf qui choque un chene de son front, pensant le soulever et le
porter de tout son poids a terre. Mais nulle secousse ne faisait devier
Trolez d'une ligne.
Longtemps et a plusieurs fois, ils se prirent et se quitterent, rouges, la
chemise en lambeaux, une sueur abondante coulant sur leurs visages et le
sang sortant par leurs narines. Enfin, apres des assauts coup sur coup
renouveles, tous deux s'arreterent en meme temps, haletants et non epuises,
mais reconnaissant l'un chez l'autre une force qu'ils se sentaient
impuissants a surmonter. Les juges, qui avaient assiste avec etonnement et
admiration aux peripeties du combat, ne pouvant nommer un vainqueur,
voulurent cependant leur donner une marque d'estime, et leur partagerent le
prix. Trolez, que son inexperience dans l'art de la lutte avait seule
empeche de triompher, qui s'etait contente de resister, mais qui, dans sa
resistance, avait montre une vigueur sans egale, recut la plus large part;
Le Guichet recut la moindre, comme premices des prix qu'il saurait un jour
remporter. Puis, tous deux se tendirent la main, sans forfanterie et sans
rancune, oubliant leur rivalite passagere, et redevenus compagnons du meme
village.
Telle est la generosite de la belle jeunesse: elle aime le combat pour le
combat meme; ses interets, elle n'en a souci, et, confiante en l'avenir
qu'elle ne mesure pas, si elle est vaincue aujourd'hui, elle compte sur le
jour de demain pour gagner les succes et la gloire. Mais, plus tard, quand
il s'est epuise en de durs efforts contre les obstacles de la vie, l'homme
mur ressent en lui les premieres secousses des passions envie
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