ite, et etendant le bras: _Reste debout!_ dit-il. A ces mots, Yves
Herve, du bourg de Banalec, s'arrete: il a reconnu Postic, de Scaer; le
prix sera vivement dispute. Aussitot il quitte sa veste et son gilet, ne
gardant que son bragou-bras et sa chemise de grosse toile, exactement
serree au corps, afin que son adversaire ait moins de prise. Ses parrains
s'approchent et, rassemblant ses longs cheveux, les nouent par derriere
avec un long ruban; Les pieds nus, il se tient immobile, allegre et agile
pour le combat. Postic aussi s'est depouille de ses vetements, mais ses
parrains ne se sont pas presentes pour lui attacher les cheveux; il les
laisse flotter librement sur son cou; le haut de la tete nue, le visage
maigre et sillonne des rides que creusent de bonne heure les travaux des
champs, il ressemble presque a un vieillard, mais sa taille haute et
droite, ses bras robustes croises sur sa poitrine, et le regard assure de
ses yeux enfonces sous ses sourcils, decelent l'homme dans la force de
l'age.
Le signal est donne: les deux adversaires font le signe de la croix, et
s'approchent lentement l'un de l'autre, les yeux dans les yeux, les bras
tendus, cherchant comment ils se vont saisir. Puis, d'un meme mouvement,
ils se joignent et enlacent leurs bras; en un moment ils sont serres l'un
contre l'autre d'une force egale; de leurs mains crispees, ils tachent, a
travers la chemise, de saisir la peau; tous deux, maitres d'eux-memes,
combinent a la fois leur propre effort et celui de l'adversaire; on voit
les muscles saillir a leur cou et sur leurs epaules. Herve sait quelle est
la force et l'habilete de Postic, mais c'est pour lui un honneur de le
combattre, il ambitionne la gloire de le vaincre, et, deux fois deja, il a
evite le choc par lequel Postic le devait renverser. Quant a Postic, la
lutte lui est si familiere, qu'il semble moderer sa force plutot que la
developper tout entiere; a un moment meme ou il veille moins sur lui, un de
ses pieds cede, il glisse et tombe. Un grand cri part de l'assemblee, les
juges se levent de leur siege: mais, dans le temps meme ou il perdait pied,
Postic a vu le danger, et, d'un mouvement agile et preste, s'est tourne de
maniere a tomber sur le cote. Il reste la, quelques secondes, immobile,
pour qu'il soit bien prouve qu'il n'est pas vaincu. En effet, le vaincu,
c'est la loi des luttes, doit etre renverse droit sur le dos, les deux
epaules touchant la terre; c'est ce qu'on appelle _avoir le
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