l tint conseil, raconte l'un d'eux, et
il fut alors unanimement decide que nous sortirions tous du fort, et que,
secondes par le feu tres-vif que faisaient les fregates anglaises, nous
nous precipiterions, l'epee a la main, dans les rangs republicains, ou du
moins, si la victoire ne secondait pas notre courage, nous trouverions une
mort glorieuse... Deja Sombreuil donnait l'ordre d'ouvrir les portes[1];"
mais, a leur attitude, les republicains eux-memes s'emeuvent. Cette poignee
d'hommes va-t-elle donc perir? Surs de la victoire, ils n'ont que de la
pitie: "Rendez-vous, braves emigres, s'ecrient-ils, il ne vous sera pas
fait de mal! nous sommes tous Francais!..." Ah! si ce ne furent pas les
generaux qui le jeterent, ce cri des soldats etait la voix genereuse de
Francais qui reconnaissent des hommes de leur sang, et leur pardonnent!
Sombreuil, alors, sortit du fort, un general republicain s'avanca, et
quelques paroles s'echangerent rapidement entre eux.
[Note 1: _Ma sortie de Quiberon_, par L.V. de la V... g... o... (le
vicomte de la Villegourio).]
C'est la ce qu'on a appele la capitulation de Quiberon, niee et affirmee
avec une egale passion par les partis contraires, parce qu'elle fut suivie
du massacre des emigres.
J'ai lu, avec une attention exacte et scrupuleuse, avec l'ardent desir de
chercher la verite, tous les recits qui ont ete ecrits de ce moment
solennel, et les relations emues des emigres qui s'echapperent plus tard
des prisons[1], et les ecrivains hostiles aux royalistes, tels que le
biographe de Hoche, Dourille, et l'impartiale narration des _Victoires et
conquetes_, ou l'on sent une ame toute francaise, et l'historien de la
Revolution, M. Thiers, qui juge les evenements en homme d'Etat, et les
pages sinceres de Rouget de Lisle, qui accompagna Tallien de Quiberon a
Paris, et qui peint en traits saisissants les hesitations et les angoisses
du proconsul preoccupe de la conduite qu'il doit tenir, et le discours
enfin de Tallien, quelques jours apres, a la Convention; j'ai recueilli en
Bretagne, sur les lieux memes, les traditions et les souvenirs; et la
conviction m'a ete donnee qu'il y eut une capitulation, non pas
capitulation reguliere, le temps et les circonstances ne le permettaient
pas, mais une capitulation conditionnelle, et les conditions memes que l'on
imposait sont la preuve d'une convention proposee et acceptee.
[Note 1: Tous, separes par les distances et les annees, s'accordent
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