eurs qui repoussent les parlementaires? Et, quand
l'ordre arrive a Auray de les juger, voyez-vous la stupefaction, la
douleur, l'indignation de la population, de l'armee, des generaux! Devant
la commission militaire, entendez-vous Sombreuil: "Pret a paraitre devant
Dieu, je jure qu'il y a eu capitulation, et qu'on a promis de traiter les
emigres en prisonniers de guerre!" Et, se tournant vers les soldats
presents en foule: "J'en appelle a votre temoignage, grenadiers!--C'est
vrai, repondent-ils." Et a ce serment d'un soldat, la commission militaire
se separe, elle ne les jugera pas, elle ne s'en reconnait pas le droit! Et
tous les autres officiers de l'armee refusent de juger les emigres; on est
oblige de changer la garnison d'Auray; pour former une commission, il faut
que l'on choisisse des etrangers; c'est a des officiers de la legion belge
qu'est donnee la mission de condamner ces Francais!
[Note 1: C'etait le 9 thermidor, anniversaire de la chute de
Robespierre. L'entree de Tallien fut une ovation.]
L'iniquite retombe sur Tallien et la Convention: Quoique un an se fut
ecoule depuis la chute de Robespierre, c'etait bien toujours la meme
assemblee, de son premier jour a son dernier, soumise a deux basses
passions, la haine et la peur, la haine chez quelques-uns, la peur chez le
plus grand nombre. Les soldats furent magnanimes, les legislateurs feroces.
Hoche leur ecrivit: "L'humanite ne peut-elle elever la voix? Songez-y,
citoyens representants, cinq mille Francais!" Pas un ne se leva pour
l'appuyer. Tallien craignait d'etre soupconne de royalisme, beaucoup de
ceux qui l'ecoutaient pouvaient etre aussi suspectes; les Montagnards les
regardaient, ils baisserent les yeux et laisserent executer une loi qu'ils
abhorraient; pour etre atroces, il leur suffit de se taire! Si ce massacre
eut du se faire a Paris, ils ne l'auraient pas ose; l'opinion leur
defendait de frapper encore; mais la mort a cent cinquante lieues, la mort
qu'on ne voit pas donner, cette mort est facile a resoudre! Qu'etaient
quelques milliers d'hommes pour cette assemblee qui en avait tant fait
egorger? leur mort ne lui apporta pas un remords de plus!
Ici, ce n'est plus de l'histoire, c'est une tragedie, une des scenes
pathetiques de ce drame de la Terreur qui se joua quatorze mois de suite
tous les jours, et qui chaque jour etait denoue par le meme acteur, le
bourreau.
Tous ceux qui ont raconte les derniers moments des victimes sont des
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