arbres.
Mais la mer, dominatrice hautaine, en se retirant, a laisse une marque de
la souverainete qu'elle a eue sur cette terre. Au milieu de la plaine
s'eleve, a plusieurs centaines de pieds, un amas de rochers escarpes du
cote de l'Ocean, a pans rudement coupes et portant les traces des tempetes
qui les ont aprement tailles: on l'appelle le Mont-Dol, tant il parait haut
sur ce sol nivele comme avec la main. Isole dans la plaine verdoyante qui
ressemble a un jardin, ce monceau de rocs est encore une ile.
De son sommet on embrasse une vaste etendue: devant soi la baie de Cancale
tout entiere, a gauche la cote de Bretagne qui fuit vers l'ouest, a droite
celle de Normandie qui monte vers le nord, et dans la mer meme, tour a tour
ile et presqu'ile, le mont Saint-Michel, bati sur les rochers et s'elancant
en pointe comme une pyramide. Le mont Saint-Michel est une forteresse; le
Mont-Dol, au contraire, est un lieu de priere et de secours. Sur le point
le plus eleve, les Bretons ont eleve une statue de la Vierge; de fort loin
en mer, on voit se dessiner sur le ciel sa forme blanche. De cet ecueil ou
jadis se brisaient les navires, aujourd'hui la Vierge clemente dirige les
matelots et leur indique la route du port.
A l'ouest, la cote de Bretagne a un autre caractere en face de
l'Atlantique, elle est largement et profondement ouverte: la, l'Ocean a
toute sa puissance, rien ne l'arrete, ses longues lames viennent du fond de
l'horizon sans obstacle, jusqu'a cette terre qui semble se detacher en
avant pour leur resister. Ainsi qu'un fort de granit, le Finistere a devant
lui une armee qui l'assiege et l'assaille incessamment de ses vagues
innombrables, lutte de la force immobile contre l'action qui ne se repose
pas. En ce combat qui dure depuis des siecles, la terre, si rude qu'elle
soit, a ete vaincue: l'Ocean, avancant d'un mouvement lent et continu, pied
a pied, gagne un peu chaque jour; il sape, il ronge, il mine; il s'insinue
patiemment par les plus faibles endroits. Ici, s'enfoncant dans le sol, il
perce des puits ouverts en entonnoirs, de hautes arcades sous lesquelles il
passe comme un triomphateur, en elevant sa rumeur qui ressemble a celle
d'un peuple; la, il creuse des grottes profondes, des cavernes sonores dont
il heurte le fond d'un coup sourd de ses lames, comme un belier qui bat une
muraille. Tels le _Trou du Diable_ et les _Grottes de Morgatte_, dans la
presqu'ile de Crozon, que la mer a taillees largement dans
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