percois Lez-Breiz, suivi de ses gens,
Bataillon nombreux arme jusqu'aux dents;
ou de sa voix fiere entonnant l'hymne du triomphe de Lez-Breiz:
Treize combattants tombes sous ses coups!
L'insolent Lorgnez, le premier de tous.
Lez-Breiz sur leurs corps s'en vint s'accouder,
Et se delassait a les regarder[1].
[Note 1: A. Brizeux, _Histoires poetiques_.]
Et nous, souriant a cet enthousiasme, nous admirions sa beaute pure, et
cette noble jeune fille nous apparaissait comme la figure ideale de la
Bretagne des anciens ages, celebrant les chocs chevaleresques et chantant
d'heroiques morts.
Ou bien, ce sont d'autres scenes d'un caractere antique: a la fin du repas
qui rassemble la famille, entre dans la salle un ancien soldat, naguere
vaillant serviteur du grand Empereur, aujourd'hui contre-maitre de
Saint-Ilan. Le poete, d'un regard affectueux et cordial, lui montre une
place entre ses deux filles; et le vieux soldat, qui porte sur sa poitrine
la croix qu'il a payee du prix de ses blessures, s'asseoit a la table
hospitaliere ou on lui sert une coupe d'un vin qui rejouit son coeur. La
tete droite, la physionomie grave, de cette gravite que donne l'habitude de
l'obeissance, le regard calme et ferme, il se tient immobile et attentif,
en cette placidite propre aux vieux soldats qui, a la fin de leur vie, se
recueillent silencieux dans le souvenir des combats eloignes.
Quelques mots du poete raniment ces souvenirs profonds, les etrangers
l'interrogent, et le grenadier de la vieille garde ouvre les pages depuis
longtemps fermees du livre de son passe. On se sent grandir a ces recits de
guerre, de ces combats qu'on n'a pas livres, mais qui reveillent en nous
les plus nobles sentiments: l'amour de la patrie et de la gloire, le
devoument et le mepris de la mort. Il dit les guerres homeriques ou il se
trouva, le siege de Saragosse, cet assaut des murs, des rues, des maisons,
ou les assieges furent dignes de leurs vainqueurs, la campagne de France,
Champ-Aubert, Montmirail, derniers grands coups d'aile de l'aigle blesse au
haut des airs. Il etait du petit nombre des soldats d'elite qui
accompagnerent l'Empereur a l'ile d'Elbe. Il l'avait vu solitaire et
soucieux errer sur la greve, s'arreter au bord de la mer, du cote de la
France, fixant sur l'horizon son long regard, comme s'il eut voulu passer
par dela. Et quelques jours apres c'etait le depart, et la marche rapide a
travers la France, et la troupe fidele gros
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