n parc, son jardin, sa chambre, son mail, c'est a
propos de ce qui se passe, de ce qu'elle fait. Une preoccupation vaniteuse
ne la fait pas parler; elle ne pouvait moins dire, et, cependant, par ce
peu de mots, elle donne une idee exacte et vraie de ce qui est; lorsqu'on
va chez elle, ce que l'on attendait, on le trouve. M. de Chateaubriand, au
contraire, s'est attache a faire un imposant tableau du lieu ou il passa sa
jeunesse: pour le haut personnage qu'il y va peindre, il faut un cadre
colossal. Le Combourg qui reste dans l'esprit apres la lecture de ses
Memoires, c'est un chateau immense, aux vastes salles sans nombre, un
desert de pierres, _ou auraient ete a l'aise cent chevaliers avec leur
suite_; du village il est a peine question; on voit seule la terrible
forteresse, noire, menacante, isolee, surgir du milieu des bois. Les
habitants de ce sombre manoir prennent alors une proportion enorme: le
pere, dur, silencieux, redoute de toute sa famille, renferme le jour, et
n'apparaissant que quelques heures le soir, comme un spectre dont la
presence comprime les sentiments, les voeux et jusqu'aux paroles de sa
femme et de ses enfants; la mere brisee et mourante sous cette etreinte de
fer; la soeur revant melancoliquement d'une passion fatale qu'elle combat
sans savoir comment la nommer; le fils enfin, triste, inquiet, sauvage
comme Hippolyte, passant ses journees dans les bois, et, un fusil a la
main, s'enivrant de l'independance des landes desertes. On dirait d'une
famille des temps homeriques, d'un de ces clans perdus dans une gorge de
montagnes, qui communique a peine avec le reste du monde, et dont les fils
sont deja des heros: par son aire haut montee, par ses premiers coups
d'aile, par ses penchants de roi, il a voulu se montrer aigle des le
commencement.
A l'exception de quelques bois qui ont ete abattus, rien n'a change a
Combourg: la grande allee pres du preau, les servitudes, le preau meme, les
marronniers au pied du perron, le chateau, sont intacts; l'impression que
l'on recoit n'est pourtant pas tout a fait d'accord avec celle des
_Memoires_. En arrivant dans le bourg, ce n'est pas sans etonnement qu'on
le trouve a la fois si considerable et si rapproche du chateau: c'est, non
pas un petit village, mais presque une petite ville, aux rues larges, aux
maisons des XVe et XVIe siecles, en pierres de taille, separees, isolees
l'une de l'autre par d'etroites ruelles, comme dans plusieurs villes de
Bretagne, ce qui
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