ieuse a la fois, quelque chose de concentre et d'ardent, comme on se
figure les premiers chretiens: ce sont, en effet, des chretiens, et les
enfants, des orphelins, de pauvres petits abandonnes, retires du
vagabondage ou du vice, rendus par la religion et le travail a la vie de
l'ame et a la sante du corps; les _freres laboureurs_, d'energiques
successeurs des moines qui defricherent du meme coup, en Bretagne, les
champs et les coeurs. Et ces freres, et ces orphelins guides par quelques
pretres, composent cette colonie de Saint-Ilan fondee par un poete[1],
ruche d'ou se sont deja elances des essaims nombreux d'agriculteurs, mere
feconde dont les enfants sont destines a couvrir un jour l'Armorique de
leurs associations laborieuses, realisant, sans emphase et sans discours,
l'alliance fraternelle du riche et du pauvre, avec la charrue et sous le
signe de la croix.
[Note 1: M. Ach. du Clesieux.]
Pres de la ferme est l'habitation du fondateur de la colonie, le _naif
manoir_[1] entoure et surmonte de grands arbres entre lesquels on voit la
mer. Partout un silence immense, ce silence des champs qui etonne
l'habitant des populeuses cites, qui d'abord l'attriste, mais dont ensuite
il se sent penetre, dont il jouit et goute la saine quietude; le silence
sur la terre, et dans l'eloignement le bruit de la mer, ce murmure des
flots qui ne cesse jamais, qui est toujours le meme, et que le coeur
ecoute, toujours attentif et egalement charme de cette plainte monotone,
lui qui change incessamment.
[Note 1: M. Sainte-Beuve.]
On entre dans cette paisible demeure; un petit salon, sanctuaire de la
famille, est decore de tableaux recueillis avec un soin delicat et sous
l'inspiration d'une pensee unique: des sujets religieux, une vue de Rome,
le _forum_ seme de ruines, image immortelle de la societe paienne detruite,
quelques portraits, celui de Bretignieres, un des fondateurs de Mettray, du
prince Theodore Galitzin, qui deposa 25,000 francs sur la premiere pierre
de la chapelle de Saint-Ilan, et, a une place choisie, present
inappreciable du peintre, une reproduction excellente du _Saint Augustin et
sainte Monique_ d'Ary Scheffer. Tous deux, la mere sainte, et le fils, ce
_Platon purifie_, selon le mot du grand philosophe chretien[1], ils
conversent un soir, appuyes a une fenetre, les yeux au ciel, refletant en
leurs regards l'infini des cieux; les sublimes pensees montent de leur ame,
ils ont cette aspiration de l'immortalit
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