leur donne l'apparence de logis feodaux. Le portail de
l'avant-cour du chateau s'ouvre directement sur l'une des rues; le chateau
est ainsi, sauf la grandeur, comme une des maisons du bourg. Il en fait
partie integrante; ce voisinage amoindrit un peu son importance.
Vu du preau, le chateau, avec ses grosses tours rondes, ses toits aigus,
ses machecoulis, sa facade morne percee de deux ou trois fenetres, son haut
perron, a un aspect imposant; mais, a l'interieur, l'effet n'est plus le
meme. La salle qui sert de vestibule est basse et mesquine, la cour petite,
etroite, comme ces cours des maisons de Paris qui ressemblent a des puits
entre de hautes murailles. On rencontre deux ou trois pieces qui seraient
grandes a la ville, mais pas une de ces vastes salles des vraiment grands
chateaux de Clisson, de Tiffauges ou meme de Sucinio; le reste n'est que
chambres de dimension mediocre et petits cabinets dans les tours; on
cherche cette multitude de chambres dont parle M. de Chateaubriand, on les
a vite comptees et visitees: non-seulement cent chevaliers et leur suite
n'y auraient pas ete a l'aise, mais, on le peut affirmer, trente personnes
y seraient genees.
Cette exageration sur un point si facile a verifier donne quelques doutes
sur le reste. Puis, en parcourant le chateau, on vous montre la chambre de
Chateaubriand enfant: c'est une petite chambre, ronde, dans une tour, a
fenetres etroites, qui l'empechent d'etre sombre plutot qu'elles ne
l'eclairent. On y a apporte les meubles qu'il avait dans sa chambre a
Paris, en ses dernieres annees: un petit lit de fer, des rideaux de calicot
attaches a un ciel-de-lit en fer, un crucifix de fer, un encrier de fer, un
benitier de fer, une table du bois le plus commun. Voila les meubles de M.
de Chateaubriand, ancien ministre, ancien ambassadeur! Quoi! c'est la la
table ou il ecrivit cette pompeuse description du chateau de ses peres, et
ou, tout en protestant n'y attacher aucune importance, il eut soin de
rediger, en tete de ses memoires, une si complete genealogie de sa famille!
tant d'orgueil avec un mobilier plus modeste que celui d'une cellule de
moine! A la fois la superbe montant au faite et s'ecriant: Voyez comme je
suis grand! et l'humilite descendant plus bas que le dernier des visiteurs!
On ne s'abuse pas a cette simplicite affectee; ce n'est pas l'imagination
qui l'a egare; il y a parti pris: il a voulu forcer l'admiration par un
contraste sensible a tout le monde; il fau
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