-Louis, il en resta soixante-douze couches par
terre. Il fallut enfin ceder; qu'etait le plus intrepide courage contre des
feux de peloton? Ils auraient tous peri, des ce jour-la, sans la prevoyance
du comte de Rotalier; avec ses canons, il arreta la poursuite des
republicains, et, couvrant la retraite des emigres, les sauva au moins pour
cette fois[1].
[Note 1: Son fils tomba pres de lui: "Enlevez cet officier,"
dit-il, et il continua a commander.]
Le reste ressemble a toutes les histoires d'infortunes achevees; les
premieres mailles dechirees, le tissu se rompt jusqu'au bout. Du 16 au 20
juillet, chaque jour, chaque nuit, les soldats enroles en Angleterre
desertent par bandes au camp de Hoche; celui-ci n'a entre son armee et les
emigres que le fort Penthievre, et la garnison de ce fort est composee
presque entierement d'anciens republicains; la trahison, bientot, le lui
livre: quand, une nuit, ses soldats se presentent au pied des murs, ceux du
dedans leur tendent la crosse de leurs fusils pour les aider a escalader
les rochers. Et alors, c'est une debandade generale, deroute non d'une
armee, mais d'une population entiere, paysans, femmes et enfants qui,
depuis quelques jours, s'etaient refugies dans la presqu'ile. Tous fuient
devant les bataillons vainqueurs qui debordent sur cet etroit espace, tous
fuient, et ils n'ont devant eux que la mer, une mer bouleversee par la
tempete, et une cote de rocs ou les bateaux de secours ne peuvent aborder.
Il ne fallut pas de grands efforts pour venir a bout de cette foule
eperdue; sauf quelques-uns qui s'echapperent, on les prit par milliers, et
on les emmena comme des troupeaux.
A cette heure, les deux generaux ont disparu: Puisaye s'est hate d'aller
mettre ses papiers a l'abri sur la flotte anglaise; d'Hervilly a eu
l'honneur d'etre blesse mortellement le 16, a l'attaque du camp, reparant
ses fautes par la mort du soldat.
Une seule troupe avait pu se rallier, celle de Sombreuil, recemment
debarquee, un millier d'hommes environ, la plupart gentilshommes ou anciens
soldats. Apres avoir defendu le terrain, pied a pied, contre des forces
sans cesse croissantes, ils etaient arrives a l'extremite de la presqu'ile,
pres de Portaliguen; la, reunis derriere un petit mur a demi ecroule, entre
la mer agitee par l'orage et les rangs redoubles d'une armee nombreuse,
n'ayant plus qu'une ou deux cartouches par homme; ce n'est pas de se rendre
que leur vient la pensee; "Sombreui
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