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remettre debout; les chouans, dissemines par toute la Bretagne, occupaient
une armee entiere: on n'avait pas juge trop grands les talents de Hoche
contre Tinteniac et Cadoudal; leurs bandes eparses se levaient tout a coup
devant et derriere les republicains comme ces globes fulminants, semes sur
le sol, qui eclatent sous les pas. L'etat de la France aussi semblait
favorable: maintenant que les decemvirs sanguinaires n'existaient plus, on
souffrait impatiemment le joug de la Convention; on avait horreur et mepris
de ces hommes qu'on ne craignait plus. Le pays d'ailleurs ou l'on projetait
de descendre etait un pays ami: des qu'une armee reguliere y mettrait le
pied, autour d'elle se rallieraient cinquante mille chouans aguerris;
l'Ouest tout entier se leverait; les republicains, dans cette haute maree
populaire, seraient engloutis; les Vendeens, naguere, s'etaient avances
jusqu'a soixante lieues de Paris; cette fois, des le premier jour et sans
tirer l'epee, l'armee liberatrice se retrouverait aussi pres; un prince
apparaitrait a sa tete, et, aux acclamations des peuples, elle marcherait a
grands pas vers Paris, a qui elle ramenerait la paix et ses rois.
Telles etaient les esperances et les illusions. Pour l'accomplissement de
ces grands desseins, rien n'avait ete epargne; les preparatifs furent
dignes du but. L'Angleterre donna son aide: quelques-uns ont pretendu
qu'elle avait saisi avec empressement l'occasion d'aneantir les restes de
l'ancienne marine francaise; on l'a calomniee, on ne la comprenait pas: un
plus pressant interet la poussait; l'ennemi d'alors, c'etait la Republique.
Vaisseaux, argent, munitions, elle fournit tout aux emigres, en abondance,
sans compter. Les republicains furent etonnes de l'immense materiel d'armes
et d'approvisionnements de toute sorte qu'ils trouverent apres la victoire:
les commissaires demandaient _quatre mille voitures_ pendant quinze jours
pour transporter ces richesses; Hoche les estimait, dans sa lettre a la
Convention, a _plusieurs centaines de millions_.
Quant aux emigres, la nouvelle de ces puissants preparatifs les avait
partout ranimes: il en vint des extremites de l'Europe. Un corps entier
qui, depuis trois ans, faisait la guerre en Allemagne, arriva des bords de
l'Elbe, sous le commandement de Sombreuil; tous les anciens officiers de la
marine royale accoururent. "On a trouve, ecrivait Hoche, plus de six cents
epees avec l'ancre sur la garde." Les Bretons, surtout, etai
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