es. C'est celui qui vint, deux mois
plus tard, faire une inutile descente a l'Ile-Dieu. Enfin, pour completer
leurs regiments, ils enrolent des soldats republicains, prisonniers en
Angleterre: ces emigres fideles, qui ne connaissent qu'un serment, ne
songent pas que ces soldats, qui s'engagent afin de sortir de prison, au
moindre echec vont deserter.
Leurs premiers pas, pourtant, furent heureux: la mer etait libre; les
vaisseaux anglais avaient repousse l'escadre de Villaret-Joyeuse sortie de
Brest pour leur barrer le chemin. Ils aborderent sans obstacle au fond de
la baie de Quiberon. La, apres quatre ans d'exil, cinq mille Francais
mirent le pied sur le sol de la patrie et ceux qui ont survecu nous ont dit
leur enivrement en touchant cette terre sacree. Des qu'elle fut en vue, des
cris de joie et d'amour eclaterent sur les vaisseaux; plusieurs se jeterent
dans les flots, pour l'atteindre plus tot, et l'embrasserent, avec des
transports et des larmes, comme une mere. Leur arrivee avait ete signalee;
les populations environnantes etaient accourues, apportant a l'armee des
vivres et des provisions: "Vieillards, femmes, enfants, jusqu'aux genoux
dans le sable, s'attelaient aux canons... la plage retentissait des cris
incessamment repetes: "Vive notre religion! vive notre roi[1]!" En se
retrouvant et se melant ensemble, parents, compatriotes et compagnons
d'armes, il semblait aux uns et aux autres qu'un souffle invincible les
allait porter en avant, et balayer les champs devant eux.
[Note 1: Puisaye, _Memoires_, edit. de Londres, 1807, t. VI.]
Les troupes republicaines, en effet, plierent tout de suite, et cederent le
terrain. Elles etaient en petit nombre; ordre leur fut donne de se retirer
sur Quimper, afin de couvrir Brest. La Convention s'attendait a perdre la
Bretagne d'un seul coup. Presque a la fois sont occupes les villes et les
bourgs avoisinants: Carnac, Mendon, Landevan, Auray; en quelques heures,
dix-sept mille chouans arrivent, rompus a la guerre par trois annees de
combats, soldats par le coeur et par les actes, sinon par l'habit.
Mais qui les arrete? pourquoi cette ardente armee reste-t-elle comme fixee
au sol? C'est que deja eclate parmi eux la desunion, la desunion qui
accompagne toujours l'exil; alors aussi apparait la petitesse de vues du
chef. Habitue aux troupes regulieres, d'Hervilly ne dissimule pas son
dedain pour ces paysans. Quoi! pas de discipline! ils ne savent ni se
mettre en rang, ni
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