manoeuvrer! on ne saurait s'avancer sans les avoir
formes; il leur faut apprendre a porter l'uniforme, a marcher au pas. En
vain Puisaye s'indigne de ces lenteurs, il n'a pas l'audace de s'emparer du
commandement. Les chouans, qui avaient bien soutenu le choc des regiments
republicains, sans connaitre la charge en douze temps, se voyant meprises,
murmurent ou s'eloignent. On laisse se consumer sur place cette fievre
francaise qui fait tout plier, quand on la laisse se jeter au dehors. Et
ainsi, dix jours se passent, dix jours en luttes intestines, en paroles
aigres, en mesquines operations. On quitte ce petit bourg et l'on reprend
celui-la; avant meme d'avoir combattu, on doute du succes; il faut attendre
le second corps d'armee; il faut un refuge, en cas de defaite, et, au lieu
de pousser devant soi, par ce pays ami ou chaque homme que l'on rencontre
serait un soldat ou un hote, ou la petite armee republicaine eut ete
etouffee dans la foule, on se retire prudemment d'Auray, on se cantonne
dans l'etroite presqu'ile de Quiberon, et dans le fort Penthievre qui la
ferme; on recule a quatre lieues en arriere du point qu'on occupait au
debarquement.
Ces dix jours deciderent du sort de l'expedition. Les chouans du centre ne
voyant pas s'approcher l'armee emigree, n'osent bouger; Hoche qui craignait
un soulevement general rassemble en hate tous ses soldats; il va aux
emigres qui ne viennent pas a lui; le 5 juillet, il est en face d'eux, et
le 7, deja il les a repousses dans la presqu'ile de Quiberon; il les tient
la accules a une impasse, sur une miserable langue de terre de deux lieues
de long et de quelques cents metres de large, entre deux precipices des
flots.
Maintenant l'heure des conseils est passee, celle de l'action est venue;
ils n'ont plus qu'a se battre et a mourir. C'est leur beau moment, et l'on
va reconnaitre la noblesse francaise, imprevoyante, temeraire comme la
jeunesse, mais toujours vaillante et chevaleresque, et perdant la vie avec
magnanimite, a Quiberon, comme a Azincourt et a Crecy.
Ils sont enfermes, il faut sortir de la presqu'ile: apres une premiere
tentative infructueuse et mal combinee (le 8 juillet), un plan est forme
pour forcer le camp de Hoche: deux detachements, descendant a quelques
lieues de la, a droite et a gauche, feront un detour, et par derriere
attaqueront les republicains; a un signal donne, le gros de l'armee emigree
sortira du fort Penthievre et les assaillira de front: pris en
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