soudain a-t-il
ouvert la terre? l'Ocean, faisant un pas, a-t-il en un instant couvert une
nation de sa nappe remuante, puis, en se retirant, tout emporte? Et les
peuples voisins auront marque la place de ce peuple evanoui par ces rocs
inebranlables, temoignage mysterieux d'un desastre qui ne sera jamais
raconte!
Il y a quelques annees, le savant, le poete qui a recueilli, annote et
traduit les chants bretons, desira sauver de la destruction un dolmen
qu'une route nouvelle allait renverser, et obtint l'autorisation de le
transporter dans le parc de la belle habitation qu'il occupe pres de
Quimperle. L'entreprise semblait aisee. C'etait un dolmen de moyenne
grandeur, et la distance a parcourir etait seulement de quatre lieues. Mais
lorsque l'on se mit a l'oeuvre, on vit surgir les obstacles: hommes et
chevaux pouvaient a peine ebranler la table du dolmen, ce ne fut qu'en
augmentant hors de toute prevision le nombre des uns et des autres qu'on
parvint a la mettre en mouvement; on y employa dix-huit hommes, cinquante
chevaux et l'on mit dix-sept jours a l'amener a la place qui lui etait
destinee; les treuils, les poulies, les leviers, les rouleaux, les levees
de terre, les moyens dont dispose l'industrie moderne et ceux dont on
suppose que se servaient les peuples celtiques, on usa de tout
successivement, et il arriva plus d'une fois que l'on ne fit que cent pas
dans une journee. Cette entreprise, si nouvelle dans cette vieille contree
qui avait perdu les traditions des ancetres, emut toutes les populations
des environs; on accourait de plusieurs lieues, on faisait haie le long des
routes pour voir marcher la _grande pierre_; beaucoup doutaient qu'elle fut
jamais retablie sur ses piliers, et, quand elle s'enfoncait lentement dans
les chemins rompus, il semblait qu'elle y dut toujours demeurer. Elle
arriva enfin a la porte du parc; ce fut un jour de fete, elle entra comme
en triomphe, un enfant etait monte dessus, portant des fleurs dans ses
mains, la foule poussait des acclamations; ce peuple celebrait le succes
d'avoir remue une pierre, lui dont les aieux dressaient et alignaient les
rocs par milliers.
IV
Quiberon.
=Le combat.--Le fort Penthievre.--La prison.--Le jugement.--Le champ des
martyrs.=
Nos rivages, comme la Grece antique, ont leur histoire: les jeunes citoyens
du Nouveau Monde, pour qui nous sommes des anciens, en longeant la cote
armoricaine, se montrent, du haut de leurs navires, un petit co
|