e et sentencieuse, leurs
gestes rares, leur demarche solennelle, semblent garder le mysterieux
secret des premiers jours du vieux monde.
Ils defilerent un a un, s'inclinant profondement devant l'autel, et
s'agenouillerent a leur tour sur la pierre, entourant entierement la grille
du choeur. C'etait la, la vraie assemblee des fideles; les hommes, comme
une forte milice, en avant; les femmes derriere, foule plus humble; tous
ayant oublie tout le reste, ne vivant plus que d'une pensee, tout a Dieu.
Car Dieu n'est pas pour ces barbares ce qu'il est pour nous; nous,
habitants civilises des villes, nous cherchons a expliquer Dieu; meme a
genoux dans ses temples, nous l'analysons, nous commentons ses actes, nous
doutons peut-etre s'il existe. Ils n'ont point, eux, ces vaines pensees,
meditations steriles: pour eux Dieu est, ils le savent, ils le croient; il
a fait le ciel sur leurs tetes, la terre qui produit leurs moissons, il les
a faits eux-memes, il les conserve ou les reprend; c'est l'Invisible qui
peut tout, au fond des cieux et partout a la fois, et, sous ce
Tout-Puissant, ils se voient bien petits, ils se prosternent et ils
adorent.
La priere, a-t-on dit, semblable aux battements du coeur, entretient la
vie. Le peuple breton croit et prie; une force est au dedans de lui, la
religion, source de sa virtualite, qui atteste que non-seulement il existe,
mais qu'il vit.
III
Les pierres.
=Le Morbihan.--La presqu'ile de Rhuis.--Locmariaker.--Plouharnel.--Carnac.=
Le Morbihan n'a conserve ni la langue, ni l'ancien costume breton; au
premier aspect, il ressemble au reste de la France; mais ce n'est la que la
surface; pour les moeurs, le respect des traditions, le culte de la
famille, la piete et la foi inebranlable, il ne le cede a nulle autre
partie de la Bretagne. Nulle part le sentiment royaliste ne se montra plus
vif au moment de la revolution; c'est dans le Morbihan que la guerre des
chouans se perpetua avec une ardeur toujours renaissante; ce furent ses
cotes que choisirent les emigres pour y debarquer et y recommencer la
lutte; c'est a Quiberon qu'ils combattirent, a Auray qu'ils succomberent, a
la Chartreuse que sont entasses leurs os, et, pour tout dire en un mot, le
nom du Morbihan ne se separe pas du nom de Cadoudal.
De meme aussi, c'est a sainte Anne d'Auray que se fait le grand pelerinage
de Bretagne: sainte Anne est la patronne de la Bretagne, comme saint Yves
le patron; mais saint Yves n'a q
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