soixante-quatre pieds de long; obelisque colossal, il s'elevait jadis dans
la vaste solitude de ces champs, au-dessus de tous les menhirs d'alentour.
Depuis des siecles, il git renverse a terre, et tel etait son poids, qu'en
tombant il s'est brise en quatre morceaux; ils sont la, a la suite l'un de
l'autre, a l'endroit ou ils sont tombes; on dirait des troncons d'un
formidable serpent antediluvien. Nul n'a songe a les changer de place.
Comme soudes au sol, ils dureront autant que le sol meme.
Trois ou quatre lieues au dela, vous rencontrez les grottes de Plouharnel.
En revenant de la presqu'ile de Quiberon, au moment ou l'on jette un regard
derriere soi pour regarder encore la mer, la mer qui tout a l'heure ne se
verra plus, on apercoit, dans un champ, de grosses pierres peu elevees
au-dessus du sol; de loin, on les prendrait pour des dolmens renverses et
on est pres de les dedaigner; mais entrez dans le champ, et le rocher qui
vous semblait couche a terre, vous reconnaitrez que c'est le toit d'un
edifice enfoui dans le sol. Il faut, en effet, descendre de plusieurs pieds
pour penetrer dans l'interieur: alors vous avez devant vous une allee
droite, formee de larges rochers plantes en terre, comme une muraille; au
bout de cette allee, une chambre arrondie, et, sur le cote, une petite
chambre communiquant avec la grande et qui en est comme le cabinet[1].
[Note 1: L'allee est large de trois pieds, la chambre longue de dix
et le cabinet de six. Ces grottes ont ete decouvertes il y a peu
d'annees.]
Le tout est recouvert des rochers que vous voyiez de loin, et qui,
semblables a des dalles monstrueuses, scellent ces sepulcres vides. Trois
grottes s'alignent a cote l'une de l'autre, paralleles et de meme longueur,
sepultures familiales ou, pres de la derniere demeure des parents, avait
ete reservee la tombe du petit enfant.
Mais voici Carnac, et ses celebres et indechiffrables alignements: a mesure
qu'on approche de Carnac, a droite et a gauche, se dressent, dans les
champs, de hautes pierres par groupes de douze ou quinze; l'un de ces
groupes, le plus considerable et compose des plus gros blocs, s'appelle le
_Camp de Cesar_; car c'est toujours ce vainqueur que l'on rencontre en
notre France, comme Alexandre et Sesostris en Asie, comme Napoleon en
Egypte, en Syrie, dans l'Europe entiere: l'homme ne creant pas, ce sont les
destructeurs d'hommes qui saisissent le plus l'imagination des nations et
dont elles co
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