ue le respect des peuples, sainte Anne en a
l'amour; ils donnent a sainte Anne une part presque egale de l'affection
tendre et pour ainsi dire filiale qu'ils ont vouee a la sainte Vierge. Le
pelerinage de Sainte-Anne d'Auray n'attire pas seulement des habitants du
Morbihan; durant plus de quatre mois, des points les plus eloignes de la
Bretagne, par tous les chemins, on voit arriver des hommes, des femmes, des
enfants, des vieillards, qui ont quitte leurs champs, leurs maisons, leurs
travaux, pour venerer en sa chapelle preferee la mere de celle qui enfanta
le Sauveur. Et quelle piete! quelle devotion! Des que, de loin, dans la
lande ou ils marchent par groupes, le chapelet a la main, ils apercoivent
le clocher de l'eglise, tous aussitot se prosternent a genoux, le front
courbe, murmurant une priere a voix basse; puis ils se relevent, s'alignent
sur deux rangs, et, la tete decouverte, a pas mesures, s'avancent vers
Sainte-Anne, ou leurs cantiques, qui emplissent la campagne, annoncent
l'arrivee de nouveaux pelerins.
La, l'on rencontre alors tous les costumes, on entend tous les dialectes de
Bretagne; le centre de la Bretagne, ce n'est ni Rennes, ni Nantes, ni meme
Quimper: c'est ce petit village du Morbihan, Sainte-Anne d'Auray.
Le sol meme a un caractere particulier: il n'y a pas un etranger qui n'en
soit frappe; c'est la vraie terre celtique. A chaque pas, des menhirs, des
dolmens, des carneillous, des tumulus; les champs sont entoures de
quartiers de roc, debris de dolmens renverses; dans la lande, parmi les
verts ajoncs, surgit le cone gris d'un menhir isole; sur le bord du chemin
est affaissee, semblable a un grand animal petrifie, une pierre branlante,
masse enorme, qu'un enfant, en la poussant du doigt, met en mouvement;
partout la terre porte les indestructibles marques de son antiquite.
Et la configuration du pays est d'accord avec ce caractere si determine. Le
golfe du Morbihan, qui donne son nom a cette partie de la Bretagne, ne
communique avec l'Ocean que par une passe etroite; s'avancant longuement
dans les terres ou il decoupe de profondes anses, seme d'iles que l'on
compte par centaines, qui s'elevent blanches et sans arbres, au-dessus de
ses flots calmes, et entre lesquelles passent et disparaissent les barques
de peche, c'est un lac presque ferme, une mer interieure, la mer de
Bretagne. Au fond, la vieille ville de Vannes qui armait de grandes flottes
pour defendre l'independance gauloise contre les
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